L’assurance vie est le placement préféré des français … mais peut-être plus pour longtemps. En effet, cet outil de placement et de transmission de patrimoine pourrait bien être sérieusement touché par le projet de loi Sapin 2.
S’agissant de la fiscalité des contrats d’assurance-vie, les plus-values peuvent faire l’objet d’un prélèvement forfaitaire libératoire. Plus le délai qui s’écoule après l’ouverture du contrat est important, plus le taux de taxation est faible, ce mécanisme très avantageux autorise des retraits très peu fiscalisés bien avant le terme prévu par le contrat.
Très ou trop utilisé, le projet de loi Sapin 2 risque d’y mettre fin en décourageant les investisseurs qui placeraient à trop court terme dans ce placement prévu pour être à long terme.
En effet, le projet de loi viendrait modifier les modalités de retrait des sommes déposées. L’article 21 bis de la loi prévoit « d’encadrer les nouveaux pouvoirs du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), notamment s'agissant de son droit de suspendre, retarder ou limiter le paiement des valeurs de rachat des assurances vie ».
Le HCSF est une autorité macro prudentielle chargée de prévenir tout dysfonctionnement du système financier et de « faciliter la coopération et l’échange d’informations entre les institutions ». Son action s’inscrit tant au niveau national qu’européen.
Les mesures envisagées par le projet de loi Sapin 2 permettraient ainsi au gouvernement d’encadrer les taux et de bloquer les remboursements afin de réguler le secteur des assurances. En d’autres termes, Bercy pourrait fixer de façon unilatérale les taux proposés par les assureurs et empêcher temporairement les titulaires d’assurance-vie de récupérer leur argent en cas de fluctuation importante des taux d’intérêt. Dans un tel cas, vous ne pourrez donc plus, pendant un certain temps, retirer vos fonds. La durée pendant laquelle les fonds seraient bloqués n’est pas encore clairement définie.
Cette mesure vise à éviter que les souscripteurs vident de leurs contrats en cas de remontée brutale des taux d’intérêt. L’assurance vie en euros est un placement à risque zéro.
À cette absence de risque est associée pourtant une rentabilité très satisfaisante par rapport au taux d’inflation. Cela fait entrer l’assurance-vie en compétition avec les emprunts d’État assimilés qui, à degré de risque similaire, sont aujourd’hui nettement moins rentables.
En effet, actuellement, ces rendements sont librement déterminés par les assureurs et Bercy juge qu’ils demeurent trop élevés, faisant ainsi une concurrence déloyale aux obligations d’état.
Bercy veut anticiper, grâce à cette loi, les conséquences d’une augmentation brutale des taux d’intérêt. Dans un tel cas, en tant qu’assuré, vous serez tenté de demander le remboursement de la somme que vous avez versée et des éventuels intérêts qui en découlent pour pouvoir vous reporter sur des obligations plus avantageuses en termes de taux. Il en résulterait une perte importante pour les établissements financiers qui devraient alors écouler un large stock d’obligations dont la valeur aurait fortement diminué et perturberait gravement les marchés, compte tenu des sommes en jeu.
En renforçant les pouvoirs de l’HCSF dont la mission est de veiller à la stabilité financière en France, le gouvernement prendrait le contrôle des assurances-vie et bouleverserait la gestion de vos contrats. Vous serez alors incité à réorienter vos placements, notamment vers des investissements sur les PME par exemple.
Ces dispositions sont passées assez inaperçues alors que les conséquences pourraient être lourdes. Toutefois, quelques réactions ont été recueillies par la presse et notamment celle d’un député qui aurait déclaré* que ce pouvoir accordé à l’HCSF pourrait constituer une atteinte au droit de la propriété et créerait un problème de constitutionnalité.
Cette mesure s’inscrit dans le projet de loi Sapin 2, projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Pour rappel, la loi envisage des dispositions comme la création d’une Agence française anticorruption, l’encadrement plus strict des rémunérations des dirigeants ou encore s’agissant de la protection des lanceurs d’alertes.
Mercredi 14 septembre 2016 dernier, les commissions mixtes paritaires se sont réunies pour examiner les dispositions du projet, mais elles ne sont pas parvenues à l’adoption d’un texte commun. La loi Sapin 2 devrait être définitivement adoptée en octobre. Nous serons donc attentifs à l’actualité législative.
Sources : *Le canard enchainé du 14/09/2016 – « Sapin met les assurances-vie sous la tutelle de l’État », Hervé MARTIN ; www.contrepoints.org, « Loi sapin 2, piège sur les détenteurs d’assurance-vie », Nicolas PERRIN, le 26/08/2016