Il nous a paru utile de vous faire partager la jurisprudence de la Cour d’appel de Douai et notamment l’arrêt CA Douai, Ch. 1, S. 1, 10 janvier 2011, n° 08/06302.
Les faits de l’arrêt
En l’espèce, M. X était décédé en 2002, laissant pour lui succéder son épouse et six enfants.
Avant son décès, le défunt avait rédigé un testament olographe qu’il avait déposé chez un notaire.
En 2004, l’un des enfants du défunt a fait assigner ses frères et sœurs devant le tribunal de grande instance de Cambrai aux fins de voir, notamment, ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de son père.
Six mois plus tard, l’un des petits enfants du défunt, se prévalant du testament olographe rédigé par le défunt, a saisi le même tribunal aux fins de constater qu'il est légataire universel du défunt, qu'il convient de l'envoyer en possession de son legs mais qu'il indique, cependant, n'accepter ce legs que sous bénéfice d'inventaire.
L’un des fils du défunt a donc remis en cause devant le tribunal de Cambrai puis devant la Cour d’appel de Douai la validité de ce testament. Il demande en effet à ce que la Cour d’appel déclare nul et nul d’effet le testament, en raison de l’insanité d’esprit du testateur.
Rappelons à cet effet que l’article 901 du Code civil énonce que « pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence ».
Le fils invoquait au soutien de sa prétention le fait que « cet état ressortait de la lecture même de l'acte (style confus, erreurs de grammaire, de syntaxe, inexactitudes des faits relatés puisque le défunt a été hospitalisé non pas suite à un coup mais après une maladie soudaine). Il estimait, de plus, que le contenu du testament atteste de la perturbation de son auteur puisque [le défunt] ne pouvait évincer complètement l'ensemble de ses enfants de sa succession, au profit de son petit-fils, en contravention avec les dispositions de l'article 913 du code civil ».
Sur la validité du testament, la Cour d’appel de Douai a tout d’abord rappelé que « pour faire une donation ou un testament, il faut être sain d'esprit » et qu’« il appartient à ceux qui contestent la validité du testament rédigé par [le défunt] de rapporter la preuve, qu'au moment où cet acte a été signé, le disposant n'était pas lucide et qu'il ne disposait pas de son entière capacité de discernement ».
Elle a ensuite estimé qu’ « il apparaît que la forme de cet acte est hachée et que les phrases ne sont pas construites, ce qui démontre une difficulté pour le testateur à exprimer sa pensée.
Par ailleurs, ce dernier explicite une haine certaine à l'encontre de son fils qu'il accuse de l'avoir frappé, le coup, ayant selon lui, entraîné l'apparition de la tumeur pour laquelle il devait être opéré quelque temps plus tard. Or, il ressort de l'attestation du médecin traitant [du défunt], qu'un coup ne peut avoir été à l'origine de cette tumeur.
[Le défunt] exprime sa rancune à l'encontre de son fils par des mots très forts tel que « barbarie non humaine » et « détester ». Il précise que cette situation « tue sa santé ». Il en conclut qu'il déshérite son fils et qu'il donne tout à son petit fils. Ce faisant, il déshérite tous ses autres enfants dont il ne mentionne même pas l'existence.
Il découle de ces éléments que tant la forme du testament que son contenu, illogique en ce qu'il attribue la cause de sa maladie à un coup qu'il aurait reçu et rend responsable de son état de santé son fils et irrationnel en ce qu'il prive des effets de sa succession tant son épouse survivante que ses autres enfants alors que ses reproches ne sont dirigés que contre [l’un de ses fils], démontrent qu'au moment de la rédaction de cet acte, [le défunt] était animé d'une haine déraisonnable à l'égard de l'un des membres de sa famille, sentiment tel que son discernement s'en est trouvé altéré et son intelligence obnubilée.
Le fait qu'il soit apparu lucide [au notaire], le 30 avril 2002, soit avant la rédaction de l'acte et avant la survenance des coups qu'il attribue à son fils, ne permet pas de remettre en cause l'état d'insanité d'esprit qui peut être relevé le jour de la rédaction du testament.
Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de recourir à une mesure d'experimentéise, il convient d'annuler le testament (…) ».
En résumé, la Cour d’appel de Douai a fait droit à la demande du fils du défunt en constatant l’insanité d’esprit et déclarant nul et nul d’effet le testament rédigé par ce dernier.
Il ressort de cet arrêt que l’insanité d’esprit peut se déduire de l’incohérence des propos du défunt ainsi que du fait qu’il soit animé « d’une haine déraisonnable ».