Abus de faiblesse : comment porter plainte ?
- avocats au Barreau de Paris | Publié le

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Achat/vente d’un bien à la suite d’un démarchage téléphonique, transaction urgente, dons manuels répétitifs, comptes bancaires vidés, assurance vie au profit d’un tiers, etc… Autant d’actes douteux qui peuvent révéler l’existence d’un abus de faiblesse. Vous-même ou l’un de vos proches avez subi un tel acte ? Vous vous sentez démuni et vous ne savez pas quand et comment agir ? Cet article vous informe sur cette infraction et sur vos droits.

L’abus de faiblesse, pour qui et contre qui ?

L’article 223-15-2 du Code pénal définit l’abus de faiblesse. Il s’agit d’un « abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ». Autrement dit, une personne va profiter de la vulnérabilité d’une autre pour la conduire à effectuer un ou plusieurs actes qui auront des conséquences préjudiciables pour elle.

Il se caractérise par trois éléments :

  • Un élément matériel : d’une part, il faudra démontrer la particulière vulnérabilité de la victime au moment des faits, à raison de son âge, de sa maladie, de sa déficience physique ou psychique, etc. Des éléments de preuve, tels que des attestations, des certificats médicaux ou encore des expertises, seront nécessaires. D’autre part, l’élément matériel constitue l’action ou l’inaction de l’auteur de l’abus qui cause un préjudice à la victime (encaissement de chèques, retraits de somme d’argent, etc.).
  • Un élément intentionnel : il s’agit de l’intention de commettre l’infraction par l’auteur de l’abus et sa volonté de porter atteinte à la victime
  • Un grave préjudice : c’est la conséquence de l’acte causé par l’auteur de l’abus. Il prend la forme d’un amoindrissement du patrimoine de la victime (libéralités, perte d’argent, vente de biens, etc.).

Les décisions de justice pullulent en la matière. Par exemple, dans un arrêt du 12 janvier 2000, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a condamné un médecin qui avait fait signer un compromis de vente à l’un de ses patients en indiquant un prix de vente largement diminué par rapport à la valeur réelle du bien. Le médecin, conscient de l’état dégradé de son patient, avait manifesté une intention frauduleuse qui résultait de l’absence de toute vérification du prix fixé. Dès lors, même en l’absence de réalisation de l’acte, l’abus de faiblesse était caractérisé (Cass. Crim., 12 janvier 2000, n° 99-81057).

L’abus de faiblesse est également souvent retenu par les juges lorsqu’une personne vulnérable dispose de ses biens par testament en faveur d’une autre personne qui l’a conduite à rédiger ses dispositions testamentaires (Cass. Crim., 16 octobre 2014, n° 13-86.620).

Les personnes âgées sont les plus exposées à ce type d’actes. En effet, l’éloignement familial peut parfois contribuer à faire entrer dans leur vie des personnes malintentionnées qui vont user de stratagèmes ou de manipulations émotionnelles pour arriver à leurs fins.

Malheureusement, ces abus sont souvent décelés bien trop tard. Parfois même, ils sont découverts après le décès de la victime par ses héritiers qui se rendent compte que le patrimoine est amoindri, voire inexistant.

Face à de tels actes, comment faire face ?  

Protéger ses biens et ses proches

Si vous constatez que vous ou l’un de vos proches êtes victime d’abus de faiblesse, il faut porter plainte auprès du commissariat le plus proche ou auprès du Procureur de la république près du Tribunal judiciaire du lieu de résidence.

Vous disposez d’un délai de 6 ans pour agir à compter du jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée.

Attention toutefois, il faut garder à l’esprit que seule la victime des faits est en droit d’agir et de porter plainte. Dès lors, les enfants ou petits-enfants qui décèleraient des faits d’abus de faiblesse chez leurs aînés ne pourront agir personnellement qu’après son décès, en justifiant d’un préjudice personnel lié à l’amoindrissement de leur héritage.

Si l’infraction d’abus de faiblesse est caractérisée, l’auteur des faits risque jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende (article 223-15-2 code pénal).

Sur le plan civil, l’abus de faiblesse constitue un vice du consentement. Dès lors, une action en annulation de l’acte souscrit est possible. Dans ce cas, le délai pour agir auprès des juridictions civiles est de 5 ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action.

Par ailleurs, il existe des dispositions légales particulières régissant certaines professions qui viennent proscrire les faits d’abus de faiblesse. Par exemple, l’article 909 dispose que « les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci ».

Cette disposition constitue un moyen de lutter contre la captation d’héritage de ces professionnels de santé (établissement d’une libéralité ou clause bénéficiaire d’une assurance vie par exemple).

En tout état de cause, et afin de prévenir ces actes à l’encontre des personnes vulnérables, vous pouvez mettre en place une mise sous protection judiciaire de votre proche. Il peut s’agir d’une curatelle, d’une tutelle ou encore d’une sauvegarde de justice.

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