Comment repérer une donation déguisée ?
- avocats au Barreau de Paris | Publié le

Vous êtes héritiers et vous venez de découvrir l’existence de nombreux cadeaux offerts ou d’une somme d’argent donnée au profit d’un autre héritier ou d’un tiers du vivant du défunt ? Il peut s’agir d’une donation déguisée qui a pour effet de porter atteinte à l’actif successoral mais aussi inévitablement sur votre part d’héritage. Ces donations déguisées ne sont pas si simples à détecter mais il est important de les dénoncer si vous avez le moindre soupçon.

Qu’est-ce qu’une donation déguisée ?

Une donation déguisée diffère d’une donation valide. L’article 893 du Code civil définit la donation comme étant « l’acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d'une autre personne ».

L’article précise que la donation ne peut être faite que par donation entre vifs ou par testament. Qu’elle soit directe ou indirecte, l’héritier ayant reçu une donation entre vifs devra la rapporter à ses cohéritiers (article 843 du Code civil). En principe, toutes les donations faites au profit d’un héritier sont considérées comme une avance sur sa part d’héritage.

Par ailleurs, une donation déguisée se caractérise aussi comme un don consenti par une personne à un héritier ou à un tiers sous la forme d’un acte à titre onéreux. A titre d’exemple, celle-ci peut se faire à travers une vente, un bail ou une reconnaissance de dette. Cependant, cet acte à titre onéreux cache une donation, ce qui signifie qu’il y a donc la volonté de dissimuler un acte libéral par un acte onéreux.

Si la donation déguisée prend la forme d’un bail mais que le loyer ne sera jamais versé ceci constitue en principe une donation déguisée. Par un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation, du 8 février 2017, un prêt consenti par une mère à son fils sans aucune garantie ni de remboursement a été jugée comme étant un abus de droit qui consistait en fait à des donations déguisées.

Une donation déguisée n’est pas toujours considérée comme étant invalide. En effet, la jurisprudence est venue apporter des précisions quant à la donation déguisée valide. La donation déguisée doit respecter deux règles afin d’être valide :

  • L’acte duquel elle emprunte l’apparence doit respecter les principes des bonnes mœurs et de l’ordre public ;
  • La donation déguisée doit veiller au respect des conditions de fond qui sont la capacité et le consentement comme exigé pour tout contrat.

Cependant, la donation déguisée ne sera pas considérée comme légale si elle a pour but de dissimuler un réel avantage successoral et/ou de réduire la charge fiscale.

Par quels moyens est-il possible de détecter une donation déguisée ?

Une donation déguisée peut être contestée par les héritiers mais aussi par l’Administration fiscale. Comme exposé précédemment, une donation déguisée peut revêtir plusieurs formes. Elle peut être faite à travers une vente à un prix dérisoire, ou par un bail à titre gratuit, ou un prêt sans remboursement. Ces actes-là sont des donations déguisées qui ne sont pas validées par la loi.

Cependant, détecter une donation déguisée n’est pas chose facile ! Si un ou plusieurs héritiers contestent la validité d’une donation déguisée au moment de la succession, ces derniers devront apporter la preuve par tous moyens. Un arrêt rendu par la Cour de cassation le 29 janvier 2014 est venu éclairer cette nécessité de preuve qui incombe aux personnes intéressées. Cet arrêt a précisé qu’une donation “ suppose la preuve que l’acte contient une affirmation mensongère quant à l’origine des fonds” et la validité de cette preuve relèvera de l’appréciation souveraine des juges du fond.

L’Administration fiscale peut également remettre en cause une donation déguisée lorsqu’elle soupçonne la validité d’un acte. Elle va mettre en application des présomptions reposant sur certaines données de fait qui sont :

  • L’âge avancé du ‘donateur’ ;
  • Le lien de parenté ou d’affection unissant le vendeur et l’acquéreur (donateur et bénéficiaire) ;
  • Le paiement en espèces ;
  • La sous-estimation du prix du bien objet de l’acte onéreux ;
  • La situation financière du vendeur ainsi que son état de santé ;
  • Le temps passé entre l’acte onéreux et le décès du ‘donateur’ ;

Si l’Administration fiscale ou l’héritier parvient à prouver que l’acte onéreux est une dissimulation d’une donation, le bénéficiaire de la donation ne sera pas redevable des droits de donations mais plutôt du régime fiscal de l’acte apparent qu’il s’agisse d’une vente, prêt, bail etc.

Dans le cas où l’Administration fiscale considère que l’acte onéreux a pour objet le transfert d’une somme assez conséquente, elle peut ajouter au paiement des droits de donation, les impôts relatifs au régime fiscal de l’acte apparent dit onéreux.

Quels sont les conséquences d’une donation déguisée invalide ?

Si la donation déguisée est estimée comme invalide en raison d’une dissimulation, d’un avantage successoral ou d’un régime fiscal préférentiel, celle-ci sera potentiellement annulée.

Les donations déguisées susceptible d’être frappées de nullité sont celles effectuées au profit :

  • De concubins
  • D’une personne incapable ( un majeur sous tutelle ou curatelle, ou mineurs...)
  • D’une personne ayant pour objectif de dissimuler l’existence de cette donation au moment de la succession

A défaut de l’existence d’une telle situation mais en cas de fraude commise, la donation ne sera pas frappée de nullité. Il y aura dans ce cas un rapport de la succession : le montant de la donation sera ajouté au montant de la succession au jours du décès du donateur. La part de chacun des héritiers sera par conséquent recalculée en fonction du nouveau solde que constituera l’actif successoral.

Si la donation déguisée frauduleuse a été établie et prouvée, l’Etat pourra assujettir le donataire, en plus des droits de mutation à titre gratuit, des pénalités de retard s’élevant de 40% à 80%.

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