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La question de la succession est souvent complexe et émotionnelle. Au cœur de cette complexité se trouve un élément fondamental : le statut matrimonial. Qu'il s'agisse du mariage, du Pacte civil de Solidarité (PACS) ou de l'union libre (concubinage), le lien qui unit deux personnes a une incidence majeure sur les droits successoraux. Explorons ensemble l'influence cruciale du mariage, du PACS et de l'union libre sur les droits successoraux en France.
Le conjoint marié : un héritier privilégié
Le mariage confère au conjoint survivant un statut d'héritier légal et privilégié, le plaçant au premier rang des successibles. Toutefois, l'étendue de ses droits dépend étroitement de la composition de la famille du défunt.
En présence d'enfants communs au couple
Lorsque le défunt laisse des enfants qui sont également les enfants du conjoint survivant, la loi offre au conjoint survivant une option quant à la répartition des biens du défunt : l'usufruit de la totalité des biens existants ou la pleine propriété d'un quart des biens (article 757 du Code civil).
- L'usufruit de la totalité des biens existants : le conjoint survivant jouit de la "jouissance" de l'ensemble des biens (mobiliers et immobiliers). Il peut les habiter, percevoir les loyers d'un immeuble mis en location, utiliser les revenus de placements, etc. En revanche, il n'en est pas le propriétaire. Les enfants, quant à eux, deviennent nus-propriétaires. Au décès du conjoint survivant, l'usufruit rejoint la nue-propriété pour reconstituer la pleine propriété au profit des enfants, sans droits de succession supplémentaires.
- La pleine propriété d'un quart des biens : le conjoint survivant devient propriétaire à part entière d'un quart des biens de la succession. Les trois quarts restants sont dévolus en pleine propriété aux enfants. Cette option peut être préférée si le conjoint survivant souhaite disposer librement d'une partie du patrimoine ou si l’entente avec les enfants en nue-propriété est complexe.
Le choix entre l'usufruit et la pleine propriété est personnel et irrévocable. Il est crucial de consulter un notaire pour évaluer les implications fiscales et patrimoniales de chaque option.
En présence d’enfants non communs
Si le défunt laisse des enfants qui ne sont pas du conjoint survivant, par exemple des enfants d'un premier mariage du défunt, le conjoint survivant n'a pas le choix et reçoit obligatoirement la pleine propriété d'un quart des biens de la succession (article 757 du Code civil). Les trois quarts restants sont dévolus en pleine propriété aux enfants non communs.
Exemple :
Monsieur Martin est marié avec Madame Dubois. Monsieur Martin a deux enfants d'un précédent mariage. Au décès de Monsieur Martin, Madame Dubois héritera d'un quart des biens en pleine propriété. Les deux enfants de Monsieur Martin se partageront les trois quarts restants de la succession de leur père en pleine propriété. Cette disposition vise à protéger les droits des enfants du premier lit.
En l'absence de descendants et en présence de parents du défunt
Lorsque le défunt ne laisse pas de descendants (enfants, petits-enfants), mais que ses parents sont encore en vie, la dévolution successorale est partagée entre le conjoint survivant et les parents du défunt (article 757-1 du Code civil) :
- Le conjoint survivant recueille la moitié de la succession en pleine propriété, l’autre moitié étant dévolue pour un quart au père et pour un quart à la mère.
- Quand le père ou la mère est prédécédé, sa part revient au conjoint survivant qui reçoit donc les trois quart de la succession.
En l'absence de descendants et de parents du défunt
Si le défunt ne laisse ni descendants (enfants, petits-enfants) ni ascendants (parents, grands-parents), le conjoint survivant hérite de la totalité des biens de la succession (article 757-2 du Code civil).
La donation entre époux : un outil pour avantager le conjoint survivant
Malgré le statut privilégié du conjoint marié, il est possible d'avantager le conjoint survivant par une donation au dernier vivant, également appelée donation entre époux. Cet acte, rédigé devant notaire, permet d'accroître la part du conjoint sur la quotité disponible de la succession, c’est-à-dire la partie des biens dont le défunt peut disposer librement par opposition à la réserve héréditaire.
Cette donation offre au conjoint survivant davantage d'options au décès, notamment :
- La pleine propriété d'une part plus importante que le quart légal.
- L'usufruit de la totalité des biens, même en présence d'enfants non communs (ce qui n'est pas possible légalement sans donation).
- Une combinaison de pleine propriété et d'usufruit (par exemple, un quart en pleine propriété et le reste en usufruit).
La donation au dernier vivant est un outil puissant de planification successorale et est fortement recommandée pour les couples mariés souhaitant optimiser la protection du conjoint survivant.
L’impact du divorce et de la séparation de corps
Le prononcé définitif du divorce entraîne la perte des droits successoraux entre les ex-époux. Une fois le divorce effectif, ils ne sont plus considérés comme héritiers l'un de l'autre.
Contrairement au divorce, la séparation de corps ne met pas fin au mariage, mais suspend l'obligation de vie commune. En principe, la séparation de corps ne fait pas perdre les droits successoraux. Cependant, le jugement de séparation de corps peut contenir une clause contraire privant l'un des époux de ses droits. Il est donc essentiel de vérifier les termes du jugement.
Le partenaire de PACS : pas un héritier légal, mais un statut fiscal avantageux
Le Pacte civil de Solidarité (PACS), bien qu'il crée des droits et obligations entre les partenaires, ne confère pas au partenaire pacsé la qualité d'héritier légal (article 515-6 du Code civil). Cela signifie qu'en l'absence de toute disposition testamentaire, le partenaire survivant ne recevra rien de la succession de son partenaire décédé.
Pour que le partenaire pacsé hérite, il est impératif de rédiger un testament en sa faveur. Ce testament peut lui attribuer tout ou partie de la quotité disponible.
Le grand avantage du PACS en matière successorale réside dans son régime fiscal : le partenaire pacsé est totalement exonéré de droits de succession sur les biens qu'il reçoit par testament au même titre que le conjoint survivant marié (article 796-0 bis du Code général des Impôts).
Exemple :
Monsieur et Madame Martin sont pacsés. Monsieur Martin rédige un testament léguant à Madame Martin une somme d'argent de 200 000 €. Madame Martin recevra cette somme en totalité, sans payer de droits de succession. Si elle n'avait pas été pacsée, les droits s'élèveraient à 60% après un abattement minime.
Outre le testament, le partenaire pacsé peut également être avantagé par la souscription d'un contrat d'assurance-vie dont les capitaux sont généralement transmis hors succession sous certaines conditions.
Le concubin : traitement successoral et fiscal comme un tiers
Les concubins, c'est-à-dire les personnes vivant en union libre sans être mariées ni pacsées, n'ont aucun droit successoral l'un envers l'autre. La loi ne reconnaît pas le concubin comme un héritier légal, quelle que soit la durée ou la stabilité de leur relation.
Pour qu'un concubin reçoive quelque chose de la succession de son partenaire, il est indispensable de prendre des dispositions spécifiques :
- Le concubin décédé doit avoir rédigé un testament en faveur de son partenaire. Comme pour le PACS, ce testament peut lui attribuer tout ou partie de la quotité disponible.
- Le concubin survivant peut être désigné comme bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie souscrit par le défunt. Les capitaux versés par l'assurance-vie sont, sous certaines conditions, transmis hors succession.
Contrairement au PACS, les legs entre concubins sont soumis à des droits de succession extrêmement élevés :
- Les concubins sont considérés comme des tiers l'un envers l'autre fiscalement.
- Les legs sont taxés au taux de 60 % après un abattement minime de seulement 1 594 € (Article 777 du Code général des Impôts).
Exemple :
Madame et Monsieur Durand vivent en union libre. Monsieur Durand rédige un testament léguant à Madame Durand une somme de 100 000 €. Sur ces 100 000 €, il faut soustraire l'abattement de 1 594 €. Les 98 406 € restants seront taxés à 60 %. Madame Durand recevra donc environ 39 362 € (100 000 - 1 594 - (98 406 * 0.60)) après impôts.
Cette fiscalité prohibitive rend la transmission par testament entre concubins souvent peu efficace, sauf pour des sommes très modestes. L'assurance-vie devient alors un outil privilégié pour transmettre des capitaux avec une fiscalité plus clémente, sous réserve des règles spécifiques à ce type de contrat.
Que faut-il retenir ?
L'impact du régime matrimonial sur la succession est indéniable et fondamental. Le mariage offre une protection légale et fiscale significative au conjoint survivant, tandis que le PACS nécessite un testament pour conférer des droits successoraux, mais offre une exonération de droits de succession. Quant à l'union libre, elle impose une prudence maximale, avec l'obligation de recourir à des dispositions testamentaires ou à des contrats d'assurance-vie, le tout sous une fiscalité des plus pénalisantes.
Sources :
Article 515-6 du Code civil
Articles 757 et suivants du Code civil
Article 777 du Code général des Impôts
Article 796-0 bis du Code général des Impôts