Succession et droits des héritiers : qu’est-ce que la possession d’état ?

Succession et droits des héritiers : qu’est-ce que la possession d’état ?
- avocats au Barreau de Paris | Publié le

Il est courant que la qualité d’héritier soit reconnue à un enfant en l’absence de tout lien biologique avec le défunt parent. Il s’agit de la possession d’état qui a pour vocation d’établir un véritable lien de filiation entre l’enfant et son parent présumé. Mais quel rôle joue réellement la possession d’état dans le cadre d’une succession ?

Apporter la preuve d’une possession d’état

En droit des successions, nous retrouvons les éléments constitutifs de la possession d’état au sein de l’article 311-1 du Code civil selon lequel celle-ci serait identifiée lorsque, de manière cumulative :

  • Le ou les parents traitent et s’assurent de l’éducation, de l’entretien et de l’installation de la personne qu’ils considèrent être leur enfant
  • La personne considère ce ou ces tuteurs comme son ou ses parents
  • La personne est considérée par l’entourage proche, la société et les autorités publiques comme l’enfant des parents en question
  • Et la personne concernée porte le nom de famille de ses parents.

C’est de manière casuistique que sera traitée chacune des situations de possession d’état par les juges du fond.

De plus, il existe des conditions substantielles à la possession d’état en elle-même pour en déduire sa réalité. La première condition est celle du caractère continu, public, et non vicié. En effet, selon l’article 311-2 du Code civil, il ne sera reconnue une possession d’état que lorsque le comportement comme enfant et comme parent(s) est habituel et continu, même s’il n’a pas vocation à être permanent. Il s’agit d’une condition afférente à la durée de la possession d’état qui, bien évidemment, ne supporterait aucun congé prolongé de ce comportement.

La seconde condition est celle du caractère paisible et non équivoque de ce comportement. Il ne peut s’agir d’un comportement équivalent à une dérogation aux dispositions applicables en matière de prohibition de filiations incestueuses ou encore de gestation pour autrui.

Enfin, peuvent se succéder plusieurs possessions d’état. L’article 320 du Code civil apporte, dans ce cas précis, un éclairage particulier sur le sujet puisqu’il indique que prévaut la possession d’état originaire, soit celle qui figure en marge de l’acte de naissance de l’enfant.

La possession d’état constitue donc une cause de présomption simple de filiation qui ne tient que jusqu’à preuve du contraire. Il existe donc deux modes de preuve de la possession d’état que sont l’acte de notoriété ainsi que l’action en constatation.

À de nombreuses reprises, la Cour de cassation a ainsi pu consacrer l’importance, en cette matière, du rôle de l’acte de notoriété dans le cadre de l’établissement d’un lien de filiation.

À ce titre, c’est le notaire qui a compétence exclusive afin d’établir un tel acte. Ainsi, dans un délai de 5 ans à compter de la cessation de la possession d’état ou à compter du décès du ou des parents en cause, l’enfant présumé doit alors faire parvenir au notaire trois témoignages attestant de la reconnaissance publique (par l’entourage, la société et les autorités publiques) du lien de filiation apparent. Il devra également communiquer à cet expert en succession tout document permettant d’attester de la réunion des conditions requises par l’article L.311-1 du Code civil.

La mention de l’acte de notoriété sera ensuite adjointe en marge de l’acte de naissance de l’enfant pour présomption simple du lien de filiation.

En ce qui concerne l’action en constatation de la possession d’état, il est question d’une compétence exclusive au tribunal judiciaire et qui peut intervenir lorsque le délai de prescription s’est écoulé ou si la délivrance de l’acte de notoriété a été refusée.

Ayant la même vocation que l’acte du notaire, soit d’établir un lien de filiation avec le parent présumé, l’action en constatation de la possession d’état se prescrit sous 10 ans à partir de la cessation de la possession d’état ou à compter du décès du parent contre qui l’action est intentée.

Dans les deux cas, il faut tenir compte des délais de prescription passés lesquels il ne sera plus possible d’arguer d’une possession d’état afin de faire reconnaître un lien de filiation, ce qui peut paraître primordial lorsque l’enfant recherchera à se voir attribuer la qualité d’héritier, partie à la succession.

Impact de la possession d’état sur la succession

L’établissement d’un lien de filiation par la possession d’état a le mérite d’apporter la preuve de la qualité d’héritier de l’enfant présumé.

Lorsqu’il s’agit d’un enfant naturel et au regard du droit successoral, la possession d’état constitue une preuve plus que suffisante de ce lien de filiation dont résulte la qualité d’héritier. À terme, en tant qu’enfant naturel reconnu comme tel, vous pourrez remettre en cause la dévolution successorale initialement réalisée. Ainsi si des biens successoraux ont été remis à des héritiers d’un rang inférieur au vôtre, la restitution des biens pourra être exigée.

La reconnaissance de la qualité de cohéritier par la possession d’état pourra également vous permettre de remettre en cause le partage successoral déjà effectué, sous réserve des conséquences liées à un éventuel recel.

Toutefois, il faut garder à l’esprit qu’une possession d’état peut faire l’objet d’une contestation par toute personne ayant un intérêt, dans les 10 ans suivant la délivrance de l’acte de notoriété, si le demandeur apporte la preuve contraire du lien de filiation allégué.

À ce titre, la contestation se fait devant le tribunal judiciaire compétent. Le principe est, bien évidemment, celui de la liberté de la preuve ce qui implique que toutes les preuves peuvent être admises pour contester la paternité ou la maternité. De plus, il peut être demandé une expertise biologique, possible dans ce cas précis puisqu’il s’agit d’une action tendant à l’établissement d’un lien de filiation.

Sources : articles 310-3 à 311-2, 317, 330, 332 à 337, 318 à 324 du Code civil ; « Possession d’état conforme et action en contestation de filiation : du bon usage du délai préfix de l’article 333 alinéa 2, du Code civil » in Gazette du Palais – n° 087 du 28/03/2013 ; « Contestation de filiation, possession d’état et relations incestueuses » in L’ESSENTIEL Droit de la famille et des personnes – n° 112c3, p.2.

Approfondir vos recherches

Notre forum dédié

Poursuivez vos recherches grâce à notre forum dédié.

Visitez le forum