Succession internationale : est-il possible de déshériter ses enfants ?

Succession internationale : est-il possible de déshériter ses enfants ?
- avocats au Barreau de Paris | Publié le

Vous avez des enfants et vous résidez à l’étranger ? Vous n’avez pas une bonne relation avec un ou plusieurs de vos enfants et vous vous demandez s’il est possible de les déshériter ? Venez-vous d’apprendre le décès de l’un de vos parents ? Votre mère ou père qui résidait à l’étranger a rédigé un testament pour vous déshériter ? Vous avez toujours entendu dire qu’il était impossible de déshériter ses enfants et vous ne savez plus qui croire ?

Quelles sont les règles en matière de succession internationale ?

Les règles en matière de succession ne sont pas les mêmes selon le caractère de la succession. Si la succession est française, il n’est pas possible de déshériter ses enfants. La loi dispose que les enfants ont la qualité d’héritiers réservataires. Cela signifie qu’une partie du patrimoine du défunt doit être réservée à ses descendants (enfants, petits-enfants).

En présence d’un enfant, ½ du patrimoine du défunt doit lui être réservée. En présence de 2 enfants, 2/3 du patrimoine doivent leur être réservés et ¾ du patrimoine doivent être réservés si le défunt a 3 enfants ou plus.  Il est donc interdit en France de déshériter ses enfants, il s’agit d’une disposition d’ordre public à laquelle personne ne peut déroger.

Cependant, la réserve héréditaire est un principe successoral français qui ne s’applique pas dans de nombreuses législations étrangères.

Le règlement (UE) du 4 juillet 2012 qui est entré en vigueur le 17 aout 2015 a modifié le droit des successions internationales en France. Afin qu’une succession puisse être considérée comme internationale, il convient de remplir les conditions suivantes :

  • Le défunt est décédé dans un État autre que celui dont il a la nationalité et possède des biens dans différents pays ou,
  • Le défunt est décédé dans le pays dont il a la nationalité mais possède des biens dans différents pays.

Le règlement européen dispose que désormais la loi applicable aux successions internationales sur le plan civil est celle du pays de la résidence habituelle du défunt. Ce règlement s’applique à tous les pays signataires. Cela signifie que toute personne décédée dans l’un de ces États ou ressortissants de l’un de ces États sera soumise à ces dispositions.

Par ailleurs, en ce qui concerne les pays non-signataires, leurs propres règles de droit international privé seront applicables.

Avant l’entrée en vigueur de ce règlement, la loi française en matière de succession internationale faisait une distinction entre la nature des biens successoraux en cause. Les biens immobiliers étaient soumis à la loi du pays dans lequel ils se situaient tandis que les biens mobiliers étaient soumis à la loi du dernier domicile du défunt.

Le règlement européen est donc intervenu afin d’unifier les règles en matière de succession internationale.

Ainsi si la dernière résidence habituelle du défunt est située dans un État qui ne reconnait pas le principe de la réserve héréditaire il sera tout à fait possible pour le défunt de léguer son patrimoine à une tierce personne sans que ses propres enfants aient la qualité d’héritiers. La loi de cet État prime avant tout sur la loi française, et les enfants ne pourront contester cette décision.

Est-il possible d’invoquer l’exception d’ordre public international ?

L’exception d’ordre public international est un mécanisme permettant, lorsqu’un conflit de lois survient entre la loi de deux Etats, d’écarter la loi étrangère qui serait en contradiction avec les dispositions françaises. Cependant, en matière de succession internationale, ce mécanisme ne peut pas être invoqué afin de faire appliquer la réserve héréditaire qui est méconnue par la règle étrangère.

Dans un arrêt du 27 septembre 2017, la Cour de cassation a énoncé « qu’une loi étrangère (…) qui ignore la réserve héréditaire n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français. »

Concernant une personne binationale, elle a la possibilité de choisir si la succession sera régie par la loi successorale de l’un ou l’autre des Etats dont elle détient la nationalité. Ce choix doit être inscrit au sein d’un testament ou d’un pacte successoral.

Quelles sont les exceptions permettant de conserver la réserve héréditaire ?

Certaines exceptions permettant de maintenir la réserve héréditaire lorsque l’application d’autres lois étrangères est en jeu ont été mises en avant par la Cour de cassation.

Tout d’abord il n’est pas possible de déshériter ses enfants lorsqu’une loi étrangère s’applique à la succession si ces derniers sont dans une situation de précarité économique. Cette disposition concerne par exemple les enfants encore mineurs lors de la succession ainsi que les adultes handicapés.

Une autre exception vient invalider l’application de la loi étrangère lorsque le défunt avait établi sa résidence principale à l’étranger peu de temps avant son décès tout en ayant maintenu des liens manifestement plus étroits avec la France qu’avec son nouveau pays de résidence. Dans une telle situation, la loi de la résidence principale peut être écartée car ce changement de résidence principale peut être considéré comme un moyen intentionnel de contourner les dispositions de la loi française, notamment la réserve héréditaire.

Si le défunt avait prévu au sein d’un testament le choix de la loi de sa nationalité s’appliquant à sa succession, il est tout à fait possible de maintenir la réserve héréditaire si le défunt était de nationalité française. Il est conseillé dans une telle situation de privilégier le testament international.