Succession : peut-on déshériter un enfant ?

Succession : peut-on déshériter un enfant ?
- avocats au Barreau de Paris | Publié le

En tant qu’héritier, vous devez savoir que vous avez en principe des droits dans la succession du défunt.  Enfants, conjoint survivant, parents, la part de la succession qui vous revient dépend de votre rang. Ainsi, les enfants et leurs descendants sont en première ligne pour recevoir la succession du défunt.  Il s’agit toutefois de la dévolution prévue à défaut de disposition contraire. Il est en effet possible d’organiser sa succession et de donner la priorité à certains héritiers ou tiers. Il faudra cependant respecter les droits des héritiers dits réservataires.

Est-il possible de porter atteinte à la réserve héréditaire ?

Vous avez appris le décès d’un proche et vous vous demandez quels sont vos droits dans la succession ? Vous souhaitez savoir quelle est la part qui vous revient de droit et s’il est possible de déshériter un enfant ?

L’article 912 du Code civil dispose que « la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s'ils sont appelés à la succession et s'ils l'acceptent ». Il s’agit de la réserve héréditaire. A l’inverse, la quotité disponible désigne la part des biens dont pouvait disposer librement le défunt par libéralités.

Ainsi, les enfants ou, en l’absence d’enfant, le conjoint survivant, ne peuvent en principe être écartés de la succession. Les cohéritiers vous ont informé que la succession était réglée et vous n’avez rien reçu ? Vous êtes peut-être victime de spoliation. En effet, le défunt ne pouvait librement disposer au profit d’un autre héritier ou d’un tiers que de la seule quotité disponible. En tant qu’enfant, vous pouvez être privé d’une partie de la succession, mais non de la totalité.

Le montant de la réserve héréditaire dépend du nombre d’enfants. Ainsi, lorsque le testateur a un enfant, la moitié du patrimoine lui est réservée. Le testateur ne peut donc disposer librement que de la moitié de ses biens. En présence de deux enfants, chacun a vocation à recevoir un tiers du patrimoine, le tiers restant pouvant être utilisé librement par le testateur. Enfin, lorsque le testateur a trois enfants ou plus, les 3/4 du patrimoine leurs sont réservés. Il ne peut donc librement disposer que d’un quart de son patrimoine.

En l’absence d’enfant, le conjoint survivant est héritier réservataire et reçoit de plein droit un quart de la succession.

Ce n’est qu’en l’absence d’enfant et de conjoint survivant que le testateur pourra disposer entièrement de son patrimoine et le transmettre aux personnes de son choix. Frères et sœurs ou encore parents pourront donc être déshérités.

Dans quel cas un enfant peut-il être déshérité ?

Les articles 726 et 727 du Code civil disposent que les héritiers réservataires seront dans certains cas exclus de la succession. Ils sont alors indignes de succéder.

Sont de ce fait automatiquement exclus de la succession les héritiers condamnés à une peine criminelle pour avoir, en tant qu’auteur ou complice, « volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt » ou encore pour avoir « volontairement porté des coups ou commis des violences ou voies de fait ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner ».

De même, l’indignité peut être prononcée après le décès du défunt à l’encontre d’un héritier condamné notamment pour témoignage mensonger porté contre le défunt dans un procédure criminelle, ou pour dénonciation calomnieuse contre le défunt lui faisant encourir une peine criminelle.

La loi applicable à la succession peut également permettre de contourner les règles concernant la réserve héréditaire. Tous les pays n’ayant pas les mêmes lois successorales, les successions internationales peuvent parfois s’avérer complexes, comme en témoignent certaines successions d’artistes français. Ainsi, dans deux arrêts du 27 septembre 2017, les juges ont admis qu’une loi étrangère qui ignore la réserve héréditaire puisse être applicable. Les juges ont pris en compte un certain nombre d’éléments permettant de soumettre la succession à la loi étrangère et de ce fait déshériter des héritiers français.

En outre, si vous souhaitez faire valoir vos droits dans une succession, vous devez veiller à exercer votre action en justice avant que le délai de prescription ne soit écoulé. En effet, dans un arrêt du 28 janvier 2009, la Cour de cassation a jugé que l’inaction d’une héritière réservataire pendant plus de 30 ans lui fait perdre la qualité d’héritière (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 28 janvier 2009, 07-19.573). De ce fait, même en cas de recel successoral, l’action tendant à faire reconnaître la qualité d’héritier est prescrite.

Sources : legifrance.gouv.fr, articles, 726, 727, 912 du Code civil ; Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 28 janvier 2009, 07-19.573 ; Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 septembre 2017, 16-13.151 ; Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 septembre 2017, 16-17.198.