Enfant non commun : comment contester la clause de préciput ?

Enfant non commun : comment contester la clause de préciput ?
- avocats au Barreau de Paris | Publié le

Votre père vient de décéder, vous pensez récupérer l’héritage familial, mais vous apprenez que votre belle-mère va prélever la maison de famille en faisant jouer la « clause de préciput ». Qu’est-ce c’est ? Que pouvez-vous faire pour vous défendre ?

À quoi sert une clause de préciput ?

La clause de préciput peut être contenue dans le contrat de mariage et permet lors du décès d’un des époux que le survivant d’entre eux puisse prélever parmi les biens communs, avant tout partage, « soit une certaine somme, soit certains biens en nature, soit une certaine quantité d'une espèce déterminée de biens ». (Article 1515 du Code civil)

Pour rappel, les biens communs sont en principe ceux acquis par un des deux époux mariés en communauté pendant le mariage ainsi que leurs revenus. Au décès d’un époux, ils sont habituellement partagés en deux parts égales : la part de l’époux décédé tombe dans son actif successoral.

Concrètement, le préciput porte souvent sur le logement de la famille, certains meubles ou biens immobiliers, sommes d’argent, contrats d’assurance-vie, ou encore sur des parts de société ou entreprises.

En quoi la clause de préciput peut porter préjudice aux enfants héritiers ?

La clause de préciput n’existe qu’au profit du conjoint survivant seulement. Celui-ci prélève le ou les biens objets du préciput sans avoir à donner une contrepartie. Ce prélèvement ne s’impute pas non plus sur sa part lors du partage des biens communs.

La clause de préciput n’est pas non plus considérée comme une donation entre époux ou un legs, mais constitue un avantage matrimonial. Ainsi, certains mécanismes de protection de la réserve héréditaire des enfants ne jouent pas, tels que l’action en réduction pour atteinte à la réserve.

Quand le montant des biens communs est inférieur à celui du préciput, le conjoint survivant peut toujours exercer son préciput, son prélèvement sera néanmoins réduit aux biens communs restants. Mais surtout, la communauté sera vidée, et donc aucun bien ne retombera dans la succession du défunt.

L’héritier lésé peut-il jouer sur les délais pour se défendre ?

Aucun délai n’est prévu par la loi pour prélever le bien. Cependant, il faudra analyser le contrat de mariage et vérifier s’il contient une stipulation selon laquelle le conjoint survivant doit exercer sa faculté de préciput avant un certain délai, et qu’une fois ce délai expiré, il est considéré comme ayant renoncé à ce droit de prélèvement.

D’autres démarches sont possibles pour réduire au maximum l’atteinte à vos droits.

Quelles sont les conditions pour exercer cette action en retranchement ?

L’action en retranchement est une sorte d’action en réduction, prévue par la loi en faveur des enfants réservataires et plus particulièrement ceux issus d’une union antérieure du défunt. Elle sert à protéger ces enfants contre un avantage matrimonial excessif fait au profit du conjoint survivant, c’est-à-dire lorsque le profit retiré par le conjoint survivant excède les limites de ce que le défunt pouvait disposer à titre gratuit à son conjoint (c’est-à-dire la quotité disponible spéciale entre époux).

Pour que l’action soit ouverte, encore faut-il réunir toutes les conditions exigées par la loi, notamment celles-ci :

  • La succession doit être ouverte, ce qui signifie que vous ne pouvez agir qu’après le décès de votre parent.
  • Les enfants d’une union antérieure doivent accepter la succession et donc ni être indigne, ni renonçant.

Quelles sont les conséquences d’une telle action ?

Les conséquences civiles de l’action en retranchement s’étendent à toute la famille : afin de respecter l’égalité entre tous les enfants, les enfants communs profiteront aussi de la réduction de l’avantage matrimonial.

Il faut noter aussi que l’exercice de cette action emporte des impacts fiscaux : la fraction piétinant la réserve des enfants deviendra taxable. Pour mémoire, si l’avantage matrimonial ne subit pas l’action en retranchement, le conjoint survivant ne devrait payer aucun droit de mutation pour ce prélèvement.

Lorsque la famille recomposée s’entend très bien, les enfants peuvent renoncer à l’exercice de cette action.  Mais la réalité est souvent bien différente.

Sources :  www.legifrance.gouv.fr