Un testament me déshérite : quels sont mes recours ?

Un testament me déshérite : quels sont mes recours ?
- avocats au Barreau de Paris | Publié le

Dans notre pays, le principe est clair : il est impossible pour le résident français de déshériter ses enfants. Toutefois, au décès d’un proche, vous avez découvert que vous avez été privé de la part de la succession qui vous revenait légalement. Bien entendu, il est tout à fait possible de contester le testament qui vous aurait lésé dans vos droits. En effet, en tant qu’enfant du défunt, vous avez droit à au moins une part de l’héritage, aussi appelée « réserve héréditaire ».

L’interdiction de déshériter en France

En France, il existe une interdiction de déshériter ses enfants ou son conjoint survivant. Ces héritiers particuliers sont considérés comme réservataires. L’article 912 du Code civil dispose par ailleurs qu’une part des biens et droits successoraux revient de droit à des héritiers dits « réservataires » lorsqu’ils ont été appelés à la succession et qu’ils l’ont acceptée. Il s’agit-là de la réserve héréditaire.

Selon qu’il existe des enfants ou non, selon leur nombre, qu’il y ait seulement un conjoint et/ou des parents survivants, la réserve héréditaire varie et, une fois soustraite de l’actif successoral, laisse place à la quotité disponible dont le défunt dispose librement.

Depuis décembre 2001, tous les enfants (légitimes, naturels ou encore adultérins) sont traités de manière indifférente sur le calcul de leur part de réserve héréditaire. De plus, lorsqu’il existe des enfants et un conjoint survivant, ce sont les premiers qui excluent le second en tant qu’héritiers réservataires uniques, comme a pu le rappeler la Cour d’appel de Versailles en 2017 (CA Versailles, ch. 1, sect. 1, 3 novembre 2017, n° RG : 16/03329).

Néanmoins, il n’est pas rare que, de conflits familiaux, naissent certaines rivalités et hostilités qui auraient pu pousser un défunt à vouloir déshériter un ou plusieurs enfants au profit d’un conjoint « plus aimant », une épouse vénale au profit de parents, etc.

En effet, puisqu’il n’existe aucune disposition de loi française qui permette de déshériter par voie de testament. Les seules causes légitimes d’exhéréder sont envisagées par les articles 726 et 727 du Code civil. Il s’agit du cas des héritiers indignes.

Ainsi l’article 726 du Code civil exclut-il de la succession – et ce, de manière automatique – l’héritier qui aurait été condamné à une peine criminelle, en tant qu’auteur ou complice, pour tentative ou meurtre sur la personne du de cujus ou pour coups, violence ou voies de fait ayant entraîné sa mort, même sans intention de la donner. De son côté, l’article 727 du Code civil permet à un héritier de demander au Tribunal judiciaire l’exclusion d’un autre pour indignité, après l’ouverture de la succession.

Enfin, cas plus exceptionnel, il est possible de se fonder sur le droit étranger afin de pouvoir déshériter ses enfants. Par exemple, aux États-Unis ou bien au Royaume-Uni (pays de la Common Law), il est tout à fait possible de le faire, par disposition testamentaire, ce qui signifie que face à une succession internationale et lorsque le droit étranger est permissif de ce type de pratique, l’enfant déshérité ne dispose pas de recours contre le testament. Or, en France, il est bien évidemment possible de contester un testament lorsque celui-ci ignore notre part de réserve héréditaire.

Les causes d’annulation du testament

Il convient de rappeler que plusieurs types de testaments existent : l’olographe, l’authentique et le mystique.

Le testament olographe est le moyen le plus courant de transmission de ses biens et de communication de ses dernières volontés. Il s’agit d’un acte juridique entièrement écrit, daté et signé par la main du défunt, conformément à l’article 970 du Code civil. C’est son original qui pourra être opposable juridiquement, sa copie n’ayant aucune valeur légale.

Quant au testament authentique, il sera élaboré soit par deux notaires soit par un notaire assisté de deux témoins, selon l’article 971 du même code. Ces témoins ne peuvent être ni légataires, ni parents ou alliés jusqu’au quatrième degré de ces légataires, ni clercs des notaires par lesquels les actes seront reçus.

Enfin, le testament dit « mystique » est celui que les films et autres œuvres littéraires et artistiques ont eu tendance à glamouriser, celui qui est secret et établi par un écrit signé et dont la rédaction est libre. Placé dans une enveloppe cachetée et remise à un notaire, ce dernier dressera alors sur l’enveloppe un acte de suscription.

Peu importe le type de testament, rechercher l’annulation implique de disposer de preuves quant à d’éventuels vices de formes ou de consentement.

En termes plus concrets, si vous constatez qu’un testament olographe ou mystique vous a déshérité, c’est peut-être parce que le testament en lui-même n’a pas été écrit par le défunt, mais simplement signé par lui, voire pas du tout. Ainsi, conformément à l’article 1373 du Code civil, il sera tout à fait possible de désavouer l’écriture, soit de la contester devant le Tribunal judiciaire qui ordonnera alors une mesure d’instruction afin qu’elle soit vérifiée.

En revanche, face à un testament authentique, la nullité ne pourra être recherchée que sur le fondement d’une défaillance dans l’accomplissement des formalités, notamment par le notaire. Pour rappel, le prononcé de la nullité du testament aura pour conséquence de ne le prendre en compte dans le cadre de la succession.

Il sera également possible de demander la nullité sur le fondement de l’article 901 du Code civil qui dispose que la libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence, soit sur le fondement de l’insanité d’esprit du testateur. L’héritier qui souhaiterait contester le testament en s’appuyant sur un tel argument aura alors la charge de prouver le vice du consentement allégué, ce qui n’est pas une mince tâche. L’est encore moins celle de prouver un éventuel abus de faiblesse. Selon l’article 225-15-2 du Code pénal, il s’agira du fait, pour une personne, de profiter de la faiblesse d’un tiers afin de bénéficier d’avantages indus et de lui faire prendre des actes ou engagements contraires à son intérêt.

Ainsi, si en tant qu’héritier vous constatez que quelqu’un a pris avantage de la situation de faiblesse de votre proche défunt, porter plainte devant le Tribunal judiciaire pour abus de faiblesse permettra non seulement de faire annuler le testament frauduleux - sans doute obtenu grâce à des manipulations psychologiques et/ou physiques -, mais également de percevoir la part d’héritage qui vous revient de droit. L’abus de faiblesse constituera donc le fondement d’une contestation de testament pour vice du consentement. Néanmoins, cette action sera limitée au plan civil et non pénal (sauf si la victime ou le Ministère public a ouvert l’action sur le plan pénal au préalable).

Dans un autre cas de figure moins commun, mais tout aussi illégal, le testament désignerait un membre de profession médicale ou de pharmacie, un auxiliaire médical ayant prodigué des soins au défunt pendant la maladie dont il a succombé, et que la disposition a été faite en sa faveur au cours de cette maladie, l’article 909 du Code civil permet de fonder une demande en annulation judiciaire du testament. En effet, il ne peut pas, légalement, profiter de la disposition testamentaire, étant considéré comme un légataire illégal.

L’action en réduction pour empiètement sur la réserve héréditaire

Toutefois, face à n’importe quel type de testament et si le seul de vos arguments consiste en l’ignorance, par le défunt, de vos droits d’héritier réservataire dans le cadre de son testament, une action en contestation s’offre à vous. Nous parlerons alors d’une action en réduction, intervenant lorsqu’une disposition du testament empiète sur votre part de réserve héréditaire et/ou ne porte pas seulement sur la quotité disponible.

L’article 921 du Code civil dispose que cette action est enfermée dans un délai de 5 ans à compter de l’ouverture de la succession ou dans un délai de 2 ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder 10 ans à compter du décès.

Cette action est, par ailleurs, ouverte aux héritiers réservataires, mais également à leurs ayants cause à titre particulier ou universel tels que les descendants ou créanciers chirographaires. Il est important de rappeler que cette action est indisponible pour le conjoint de l’héritier réservataire.

Étant donné qu’il s’agit d’une simple action en contestation et non pas en annulation (Chambre civile 1ère, 19 mars 1991, n° 89-17.094), ce n’est pas la nullité du testament qui sera prononcée, mais seulement un rééquilibrage qui sera effectué, entre les héritiers ou entre les tiers et les héritiers réservataires lésés.

En conclusion, sur la simple preuve de ce que la valeur des biens légués par le testament va au-delà des limites légales et en transgression des droits des héritiers réservataires, il sera possible de contester le testament qui vous déshérite devant le Tribunal judiciaire.