Vous êtes l’enfant d’une personne décédée dont la succession est régie par une loi étrangère ? Celle-ci opère une distinction entre les enfants du défunt (naturels, légitimes, adoptés) ? Vous vous demandez s’il est possible d’écarter l’application de cette loi ? Focus sur ce que vous devez savoir.
Pour les successions dont au moins l’un des biens est situé à l'étranger, le règlement des successions ouvertes avant le 17 août 2015 s'effectuait en application d'une règle de conflit de lois, dans la mesure où ce bien était potentiellement soumis à la loi du pays où il était situé. La mise en œuvre de cette règle pouvait conduire à soit appliquer la loi française soit une loi étrangère.
Depuis l’entrée en vigueur du Reglement européen le 17 août 2015, il n’existe plus de distinction entre la loi applicable aux meubles et aux immeubles. Désormais, la loi s’appliquant à l’intégralité de la succession est en principe celle de la résidence habituelle du défunt au moment du décès. Ainsi, ce règlement s‘applique à toutes les successions internationales ouvertes après le 17 août 2015.
Il n’existe désormais plus d’application d’une règle de conflit de lois ce qui a largement facilité le règlement des successions internationales. Il s’agit des successions qui comportent des biens meubles et/ou immeubles repartis sur plusieurs États, ou lorsque le défunt résidait dans un autre État que celui de sa nationalité. Il est également possible pour le défunt d’avoir rédigé un testament dans lequel il avait choisi la loi de sa nationalité pour régler l’intégralité de sa succession.
Qu’il s’agisse de l’application des dispositions du Reglement européen ou des règles de conflits de loi pour les successions ouvertes avant son entrée en vigueur, la loi française ou une loi étrangère peut s’appliquer. Parfois, cette dernière peut établir une distinction voire une discrimination entre les enfants : enfants naturels, légitimes, adoptés. Il est donc important de savoir si une telle loi pourra s'appliquer ou s’il est possible de contester son application.
En matière de droit international privé touchant aux successions, le principe est que si une loi étrangère est compétente pour régler la succession d'un bien meuble ou d'un bien immobilier est contraire à la conception française de l'ordre public, alors elle pourra être écartée au profit de l'application de la loi française. Qu'est-ce que cet ordre public international ?
C'est l'ensemble des principes nationaux qui ont une valeur telle que l'on ne peut pas y déroger. C'est en vertu de ces principes que le juge va pouvoir annuler un mariage polygame dont l'une des épouses est française, ne va pas appliquer une loi qui ne reconnait pas le droit à un français de divorcer, etc. Aussi, le juge pourra écarter dans le domaine des successions une loi étrangère qui serait contraire à l'ordre public international français.
Il est possible de prendre le cas d'un enfant né d'une relation adultérine que la loi étrangère évince de la succession car il n'est pas né dans le cadre d'un mariage. La France assure l'égalité successorale entre les enfants, peu importe la nature de leur filiation, aussi, une loi qui bloquerait l'accès à la succession d'un enfant du fait de sa nature parait être contraire à l'ordre public.
Néanmoins, il est important de souligner que le seul fait qu'une loi étrangère distingue l'enfant naturel de l'enfant légitime n'entraîne pas pour autant contrariété à l'ordre public international. Aussi une loi étrangère qui se contente de distinguer la succession de l'enfant naturel et celle de l'enfant légitime pourra être appliquée. Cependant, la loi étrangère qui opère une discrimination entre les enfants selon leur nature, voire qui conduit à bloquer la succession pour un des enfants du fait de sa seule nature, est considérée comme contraire à la conception française de l'ordre public international. Cette loi étrangère devra donc être écartée, et c'est la loi française qui sera appliquée à la place.
De plus, la Cour de cassation a énoncé le 27 septembre 2017 que la loi étrangère qui s’applique à une succession ne peut être écartée par le juge français au seul motif qu’elle ne reconnait pas la réserve héréditaire. Ainsi, la réserve héréditaire n’entre pas dans l’ordre public international français.