Clause d’attribution intégrale : quelles conséquences sur la succession ?

Clause d’attribution intégrale : quelles conséquences sur la succession ?
- avocats au Barreau de Paris | Publié le

Vous souhaitez protéger votre conjoint en cas de décès et éviter que votre héritage ne soit dilapidé entre tous les héritiers ? Vous avez la possibilité d’aménager contractuellement votre contrat de mariage avec une clause d’attribution intégrale pour s’assurer que tous vos biens reviendront à votre conjoint.

Qu’est-ce qu’une clause d’attribution intégrale ?

Les époux mariés sous le régime de la communauté universelle ont la possibilité d’insérer dans leur contrat de mariage une clause d’attribution intégrale. Elle prévoit que l’intégralité du patrimoine du conjoint décédé reviendra au conjoint survivant. De ce fait, il n’y aura pas d’ouverture de la succession avant le décès du second époux. La clause d’attribution intégrale permet donc d’améliorer les droits du conjoint survivant.

Il convient de préciser que cet avantage matrimonial cesse de produire des effets si les époux divorcent.

En revanche, la clause ne peut pas être révoquée pour cause d’ingratitude puisque ce n’est pas une libéralité. Ainsi, il a été jugé qu'un mari qui a battu à mort sa femme et qui, pour ce crime, a été condamné, ne perd pas pour autant le bénéfice d'une clause d'attribution intégrale de la communauté universelle (Cass. 1re civ., 7 avr. 1998, no 96-14.508).

La clause d’attribution intégrale comporte cependant un danger majeur : le conjoint survivant sera tenu solidairement des dettes contractées par son conjoint (Cass. 1re civ., 3 oct. 2018, no 17-21231).

Clause d’attribution intégrale : les enfants sont-ils déshérités ?

Il n’est pas rare que les enfants du conjoint décédé se sentent lésés quant à la succession. En effet, ils ne pourront hériter qu’au moment du décès du deuxième parent, s’il n’a pas complètement dilapidé les liquidités.

Dans une telle situation, il convient de différencier que le couple ait ou non des enfants d’un premier lit.

Clause d’attribution intégrale et enfants communs

La Cour de cassation est claire dans sa jurisprudence depuis de nombreuses années, lorsque les époux n’ont que des enfants en commun, ces derniers ne peuvent pas faire valoir qu’il y ait atteinte à leur réserve héréditaire : « l'adoption d'un régime de communauté universelle avec clause d'attribution intégrale de cette communauté au conjoint survivant, (…), n'étant pas réputée donation, une telle convention ne porte pas atteinte à la réserve d'un enfant commun » (Cass. 1re civ., 14 mai 1996, n° 93-20.703). Ils doivent alors attendre le décès du second parent pour que s’ouvre la succession.

Clause d’attribution intégrale et enfants d’un premier lit

La situation est différente dans le cas où le défunt avait des enfants d’un premier lit. Il peut arriver que la seconde épouse du défunt soit d’un âge relativement proche du leur, ce qui a pour conséquence de « fermer » la succession puisqu’il est probable qu’ils décèdent avant leur belle-mère. De plus, même si leur belle-mère venait à décédé avant eux, ils ne seraient pas appelés à sa succession. Pour pallier cette insuffisance, le législateur leur a ouvert la possibilité d’introduire une action en retranchement. Cette action permet de rééquilibrer les droits des héritiers réservataires en présence d’une clause d’attribution intégrale en respectant la libre volonté des époux d’aménager librement leur régime matrimonial. Comme l’a jugé la Cour de Cassation en 2006 ; « […] la présence d'enfants issus d'une précédente union de l'un des futurs conjoints ne peut constituer un obstacle au libre choix des époux […] le droit au respect de la réserve héréditaire est, alors, assuré par l'action en retranchement prévue par l'article 1527 du code civil et non par l'annulation du contrat de mariage litigieux » (Cass. 1re civ., 28 févr. 2006, no 03-19.206). 

Attention, l’action en retranchement a simplement pour but de garantir les droits des enfants non issus du mariage contre toute convention qui aurait pour effet d’avantager le conjoint survivant au-delà de ce qu’il devrait raisonnablement hériter. C’est donc un droit personnel (un droit de créance en valeur) et non un droit réel sur un quelconque bien (Cass. 1re civ., 19 déc. 2018, no 18-10244).

Par exemple, votre père s’était remarié avec votre belle-mère avec un contrat de mariage incluant une clause d’attribution intégrale mais décède. Vous êtes très attaché à la maison familiale qui était dans le patrimoine de votre famille depuis de nombreuses années et vous souhaitez introduire une action en retranchement dans le but de racheter les parts de votre belle-mère pour conserver ce bien familial. Seulement, la clause d’attribution intégrale fera obstacle à votre intention. En effet, votre belle-mère conservera le bien mais devra s’acquitter du versement d’une somme d’argent correspondant au montant de l’héritage que vous auriez du toucher en l’absence d’une telle clause. Ce bien familial sera perdu.   

Cette clause est surtout avantageuse pour les couples n’ayant pas d’enfant. Le conjoint survivant voit son patrimoine augmenté et lui permet, la plupart du temps, de rester dans la maison principale au lieu qu’elle se trouve morcelée entre d’autres potentiels héritiers.