Succession et divorce : quid de la donation au dernier vivant ?

Succession et divorce : quid de la donation au dernier vivant ?
- avocats au Barreau de Paris | Publié le

Vous étiez marié(e) et la vie a fait que vous avez divorcé. Vous aviez fait une donation au dernier vivant et vous vous demandez si elle est toujours valable ? Votre conjoint(e) s’est remarié(e) et a fait une nouvelle donation au dernier vivant. La donation au dernier vivant est-elle automatiquement annulée en cas de divorce ? La seconde donation annule-t-elle la première ? Eclairage sur la donation au dernier vivant.

Qu’est-ce que la donation au dernier vivant ?

L’article 1094-1 du Code civil définit la donation au dernier vivant comme la faculté pour l’un des époux qui laisserait des enfants ou descendants de « disposer en faveur de l'autre époux, soit de la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger, soit d'un quart de ses biens en propriété et des trois autres quarts en usufruit, soit encore de la totalité de ses biens en usufruit seulement ».

Cette disposition du Code civil vise précisément à favoriser le conjoint survivant lors de l’ouverture de la succession de son conjoint décédé. En effet, légalement seuls les héritiers réservataires bénéficient de dispositions protectrices pour la succession du défunt.

En présence d’une donation au dernier vivant, un triple choix s’offrira alors à l’époux survivant :

  • Soit l’époux survivant choisit de bénéficier de la pleine propriété de la quotité disponible, c’est-à-dire de la part qui ne revient pas aux héritiers réservataires (enfants, petits-enfants…).
  • Soit l’époux survivant choisi de bénéficier de la totalité de la succession en usufruit. Il peut alors user et jouir de la maison familiale par exemple, voire même la louer sans pouvoir la vendre toutefois.
  • Soit l’époux survivant choisit de bénéficier d’un quart de la succession en pleine propriété et des trois quarts en usufruit.

Évidemment, le choix fait par le conjoint survivant entraîne, de facto, renonciation aux deux autres (Civ. 1re, 1er juin 1994, no 92-16.823). La preuve de ce choix peut d’ailleurs être rapportée par un des héritiers réservataires par tous moyens. Enfin, sachez que vous pouvez révoquer la donation de votre vivant et à tout moment. Vous n’avez pas besoin de vous justifier, seulement de vous rendre chez le notaire pour dresser un acte de révocation ou rédiger un testament révoquant toutes les dispositions antérieures.

Attention ! S’il y avait donations réciproques entre époux, l’un des époux peut révoquer sa donation au dernier vivant sans que l’autre époux ne soit au courant et tout en restant lui-même bénéficiaire.

Quid de l’impact du divorce sur la donation au dernier vivant ?

Le motif du divorce a-t-il une incidence sur la validité de la donation ? Est-ce une révocation automatique ? Si le défunt ne s’est pas remarié, la donation est-elle toujours valable ? S’il se remarie, sans nouvelle donation au dernier vivant, qu’en est-il ? S’il se remarie avec une nouvelle donation, quid de la précédente ?

Il va falloir ici distinguer le cas de la donation au dernier vivant consentie avant l’entrée en vigueur de la loi de 2004 et de la donation au dernier vivant consentie après.

Dans le cas, de plus en plus marginal, où le droit ancien aurait vocation à s’appliquer il faut se référer aux articles anciens 267 et 269 du Code civil. Ceux-ci disposaient que le sort de la donation au dernier vivant dépendait du type de divorce prononcé.

  • Si le divorce était prononcé sur requête conjointe, les époux étaient libres de décider du sort des donations qu’ils s’étaient consenties. En cas de non-choix, ces avantages étaient censés être maintenus.
  • Si le divorce était prononcé sur demande acceptée ou aux torts partagés des époux alors chacun des époux pouvait unilatéralement révoquer les donations consenties à son conjoint.
  • Enfin, si le divorce était prononcé aux torts exclusifs d’un des époux, c’est cet époux qui perd les donations et avantages consentis par son conjoint. L’autre époux conservait les donations et avantages matrimoniaux qui lui avaient été consentis.

En revanche, le droit actuel a permis d’unifier les régimes, le type de divorce est devenu indifférent et importe uniquement le type de donation consentie.

A ce titre, l’article 265 du Code civil dispose que s’agissant des donations prenant leur plein effet durant le mariage, le divorce n’a aucune incidence et donc que ces avantages sont maintenus. En revanche, pour les donations à venir, et notamment la donation au dernier vivant, qui prennent effet à la suite de la dissolution du mariage, alors le divorce révoque d’office ces donations. En clair, la donation au dernier vivant qui est une donation qui s’exécute au décès de l’un des époux rentre de cette catégorie et est dissoute par le divorce.

La règle a cependant un tempérament : si l’époux qui a consenti la donation exprime de façon non équivoque sa volonté de maintenir la donation au dernier vivant. Enfin, sachez que la volonté d’un des époux de maintenir la donation peut être exprimé de manière tacite, tant qu’elle non équivoque (Civ. 1re, 26 oct. 2011 n° 10-25.078). Il est notamment conseillé de faire constater ce choix lors du prononcé du divorce.