Héritiers d’œuvres d’art : paiement des droits de succession

Héritiers d’œuvres d’art : paiement des droits de succession
- avocats au Barreau de Paris |
Mis à jour le 11/06/2018 Publié le

Vous êtes l’héritier d’une succession de plusieurs millions d’euros comprenant notamment des œuvres d’art d’une grande valeur. Le montant des droits de succession se révèle être très élevé. Savez-vous que vous pouvez vous en acquitter en remettant certaines œuvres d’une grande valeur artistiques à l’État ?

« L’art, c’est le plus court chemin de l’homme à l’homme » André MALRAUX

Le principe : l’obligation de s’acquitter des droits de succession

Les héritiers, donataires et légataires sont tenus de payer les droits de succession à l’administration fiscale. Il existe deux exceptions conditionnées où les droits de succession ne sont pas dus :

  • Si vous êtes héritier en ligne directe ou conjoint survivant et que vous n’avez pas eu de donation ou de don manuel du défunt non enregistré ou non déclaré, et si l’actif successoral est inférieur à 50 000€ ;
  • Si vous êtes un autre héritier et que l’actif successoral est inférieur à 3000€.

Le paiement des droits de succession nécessite qu’au moins l’un des héritiers effectue une déclaration de succession auprès des impôts dans les 6 mois suivant le décès. Passé ce délai, vous vous exposez à des pénalités de retard.

En effet, le paiement des droits de succession n’est pas à prendre à la légère. Il peut faire l’objet d’une véritable stratégie notamment lorsque le montant est conséquent. Si la succession comprend des œuvres d’art de grande valeur artistique, la dation en paiement est un choix qui s’offre aux héritiers.

Exception : une exonération en faveur des œuvres d’art dont il est fait don à l'État

Certaines transmissions peuvent être exonérées de droits de succession, notamment en raison de leur nature.

L’article 795 du code général des impôts dispose ainsi d’exceptions, et notamment d’une exception concernant les œuvres d’art. En effet, l’article dispose que sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit : « les dons et legs d'oeuvres d'art, de monuments ou d'objets ayant un caractère historique, de livres, d'imprimés ou de manuscrits, faits aux établissements pourvus de la personnalité civile, autres que ceux visés à l'article 794, si ces oeuvres et objets sont destinés à figurer dans une collection publique. »

Les œuvres d'art, livre et objet de collection, document de haute valeur historique ou artistique sont donc concernés par une exonération spéciale, lorsque ces objets font l’objet d’un don à l’état. L'offre de donation pourra, par ailleurs, être assortie de certaines conditions ou réserves. L’article 1131 du code général des impôts prévoit explicitement que le donataire « peut stipuler qu'il conservera, sa vie durant, la jouissance du bien donné » et que « la réserve de jouissance bénéficiera après sa mort à son conjoint. »

Dans les autres cas, les œuvres d’art devront être déclarées dans l’actif successoral et leur montant sera pris en compte pour calculer le montant des droits de succession. Ces droits, qui se calculent en fonction d’un certain nombre de critères (qualité du défunt, qualité de l’héritier et de son lien de parenté avec le défunt, etc.), dépendent d’un barème progressif par tranche et peuvent atteindre des sommes assez importantes. Aussi, il est essentiel de connaître et d’envisager vos options pour réduire la facture fiscale.

Les œuvres d’art de valeur : un moyen de paiement des droits de succession

Le système de la dation en paiement a été créé par André Malraux en 1968. Il est ainsi possible de s’acquitter du paiement des droits de succession, dette fiscale, en transmettant des œuvres d’art à l’État. Ces œuvres doivent être d’une grande valeur artistique puisqu’elles ont pour but d’enrichir les collections publiques de l’État. Seules les œuvres de haute valeur artistique auront une chance d’être acceptées (intérêt politique, historique, religieux, prestige artistique, etc.).

L’héritier devra ainsi instruire une offre, selon les conditions de l’article 384 A du Code général des impôts, c’est-à-dire en « indiquant la nature et la valeur de chacun des biens qu’il envisage de remettre à l’État. »

C’est la Direction générale des finances qui instruit la demande de dation en paiement. Après avis de la Commission interministérielle d’agrément pour la conservation du patrimoine artistique national et sur proposition du ministre concerné, le Ministre de l’Économie et des Finances décide (ou non) de l’agrément.

L’héritier a alors le choix d’accepter ou non de se séparer de certaines œuvres. Il est possible qu’il se rétracte, comme ce fut le cas lors de la succession de cinéaste et producteur Claude Berri. En 2009, le Centre Pompidou aurait pu accueillir au sein de sa collection des œuvres d’une valeur de 30 millions d’euros, ayant appartenu à Claude Berri décédé en janvier 2009. Le processus de la dation en paiement avait été enclenché, les ministres de la Culture et du Budget semblaient y être favorables. Cependant les héritiers ont renoncé à céder 4 tableaux de Robert Ryman, ainsi que des toiles d’Ad Reinhand, Lucio Fontana, Giorgio Morandi, un néon de Dan Flavin et un ensemble de petites pièces de Richard Serra, au Centre Pompidou.

Les héritiers de gros patrimoine ont donc une palette de choix quant au moyen de s’acquitter du paiement des droits de succession.

Sources : www.légifrance.gouv.fr ; Loi n° 68-1251 du 31 décembre 1968 tendant à favoriser la conservation du patrimoine artistique national ; www.bofip.impôts.gouv.fr ; BOI-ENR-DMTG-10-20-30-80-20150401 ; Mutations à titre gratuit - Successions - Champ d'application des droits de mutation par décès - Exonérations en raison de la nature des biens transmis - Œuvres d'art, livres, objets de collection et documents de valeur historique ou artistique ; BOI-SJ-AGR-50-20-20130923 ; Mesures fiscales soumises à agrément préalable - Agrément en faveur du patrimoine artistique national