Familles recomposées : quels recours contre les donations faites aux enfants du conjoint ?

Familles recomposées : quels recours contre les donations faites aux enfants du conjoint ?
- avocats au Barreau de Paris | Publié le

Vous faites partie d’une famille recomposée et vous prenez connaissance de l’existence de donations faite par l’un de vos parents aux enfants de son conjoint ? Vous avez peur que ces donations vous désavantagent par la suite ? La loi du 26 mai 2004 a opéré des changements importants en la matière et les conséquences de ces changements peuvent être néfastes ! Quel recours s’offre désormais à vous ?

Situation antérieure à la loi de 2004 : nullité des donations faites au profit des enfants du conjoint

Le Code civil prévoyait deux dispositions qui permettaient de remettre en cause les donations faites au profit des enfants du conjoint.

D’une part, il était prévu que « toute donation, ou déguisée, ou faite à personnes interposées, sera nulle » et que « seront réputées faites à personnes interposées, les donations de l'un des époux aux enfants ou à l'un des enfants de l'autre époux issus d'un autre mariage (…)»

Par application de ces dispositions, on présumait que les donations faites aux enfants du conjoint étaient nulles. Il n’était pas possible de rapporter la preuve contraire.

Ainsi, les biens que l’époux possédait ne pouvaient pas, par donation, être donnés aux enfants de son conjoint ce qui permettait de protéger les propres enfants de l’époux (celui qui voulait donner) ; la loi se méfiait à ce moment-là des familles recomposées, des remariages et surtout des risques de conflit que cela pouvait engendrer ; elle souhaitait préserver les intérêts des enfants du premier lit du disposant (époux donateur).

La réforme de la loi du 26 mai 2004 : donation valable sous conditions

Depuis l’entrée en vigueur de la loi nouvelle (1er janvier 2005), ces deux dispositions ont été supprimées. Ainsi, il n’est plus possible d’invoquer la nullité des donations consenties aux enfants du conjoint sur le fondement de ces deux dispositions.

On ne peut que constater que le législateur envisage différemment les familles recomposées, qui – tenant compte de l’évolution des mœurs et de la société – souhaite les normaliser.

ATTENTION toutefois à la loi applicable : tout dépend de la date de la donation !

Décision récente de la Cour de cassation

Le 28 mai 2014 la Cour de cassation a jugé que l’enfant du premier lit ne pouvait pas obtenir la nullité des donations consenties par son père aux enfants du conjoint.

Faisons un bref retour sur les faits de l’affaire : Le défunt laisse un fils unique d’un premier lit et sa seconde épouse qui avait elle-même des enfants d’un premier mariage. Le défunt avait consenti – avant la loi du 26 mai 2004 - des donations aux enfants de l’épouse. Le fils du défunt demande alors l’annulation de ces donations sur le fondement des anciens articles du Code civil (selon lesquels toute donation (…)  faite à des personnes interposées sera nulle et que sont réputées faites à personnes interposées, les donations de l'un des époux aux enfants ou à l'un des enfants de l'autre époux issus d'un autre mariage)

La donation consentie aux enfants de la seconde épouse n’est pas annulée par les juges, car la présomption irréfragable (impossible de rapporter la preuve contraire) n’existe plus, la loi nouvelle étant d’application immédiate. Il faut donc réussir à prouver l’interposition de personnes (pour les donations consenties avant le 1er janvier 2005 comme c’était le cas dans l’exemple cité).

Sort des donations faites aux enfants du conjoint ?

Il reste toujours d’autres angles d’attaques de ces donations !

D’une part, lorsque les règles de fond et de forme ne sont pas respectées il est possible d’invoquer la nullité d’une donation.

D’autre part, à supposer qu’elles excèdent la quotité disponible, les donations litigieuses seront réductibles afin de protéger la réserve de l’enfant du donateur. L’action en réduction permet d’obtenir du gratifié (bénéficiaire de la donation) une indemnité de réduction afin que l’héritier puisse obtenir l’intégralité de sa réserve héréditaire. Prenez garde, elle doit être exercée dans un délai strict !