Comment gérer la divulgation d’une œuvre au moment de la succession ?

Comment gérer la divulgation d’une œuvre au moment de la succession ?
- avocats au Barreau de Paris | Publié le

Vous venez de perdre un proche et vous vous posez de nombreuses questions. Il était artiste ou collectionneur et toutes ces œuvres d’art vous font perdre la tête. Quel est le sort des œuvres ? Comment protéger le patrimoine artistique du défunt ? La succession des artistes comporte de nombreuses particularités dans la mesure où droit des successions et droit d’auteur s’entremêlent. Focus sur ce que vous devez savoir.

Protection de l’œuvre d’art par le droit d’auteur

Votre proche récemment décédé était artiste et laisse de nombreuses œuvres d’art. Vous vous interrogez sur la protection de son patrimoine ? Qu’il s’agisse de tableaux, de gravures, de tapisseries ou encore de photographies, les œuvres d’art laissées par le défunt sont protégées par le droit de la propriété intellectuelle.

Le droit de la propriété intellectuelle constitue une branche du droit qui réglemente la protection des créations et des inventions. Elle se décline en deux sous branches : la propriété industrielle et la propriété littéraire et artistique.

La propriété industrielle protège les inventions techniques (brevets), les signes distinctifs (marques) et enfin les dessins et modèles. La marque regroupe divers signes distinctifs. La marque peut être un mot, un slogan, ou encore un chiffre. Désormais, une marque peut être également constituée par un signe audio ou visuel.   De l’autre côté, il y a la propriété littéraire et artistique qui protège notamment les créations esthétiques. Au titre de la propriété littéraire et artistique, les œuvres d’art sont protégeables. Il s’agit d’une création originale protégeable au titre du droit d’auteur qui constitue la branche principale de la propriété littéraire et artistique.

L’œuvre d’art entre dans la catégorie des œuvres de l’esprit protégées par les droits d’auteur (CPI, art.L11-2). Pour être protégée, l’œuvre doit toutefois répondre à deux conditions cumulatives : elle doit être originale et marquée de l’empreinte de l’auteur. Autrement dit, l’œuvre doit être nouvelle et ne pas constituer une simple reproduction.

Les droits moraux et patrimoniaux protègent l’œuvre d’art. Les droits moraux permettent à l’auteur de contrôler l’utilisation de l’œuvre. Ils sont constitués des quatre prérogatives suivantes : droit de divulgation, droit de paternité, droit au respect de l’œuvre et droit de retrait et de repentir. Les droits patrimoniaux permettent quant à eux d’autoriser l’exploitation de l’œuvre.

À la mort de l’auteur, ces droits sont transmissibles aux héritiers. Les droits moraux sont perpétuels, à l’exception du droit de retrait ou de repentir. Ce dernier s’éteint au décès de l’artiste. Les droits patrimoniaux sont quant à eux transmis aux héritiers pendant une durée de 70 ans après le décès.

La divulgation post mortem de l’œuvre d’art

Le droit de divulguer une œuvre d’art n’appartient qu’au seul auteur de l’œuvre (CPI,art.L121-2). Cependant quand l’auteur meurt, ses droits sont transférés à ses héritiers et l’exécuteur testamentaire est alors chargé de procéder à la divulgation. En l’absence d’exécuteur testamentaire, un ordre de préférence est effectué : descendants, conjoint non remarié, héritiers autres que descendants et enfin légataire universel. Il se peut également que le défunt ait laissé un testament dans lequel il indique qui est la personne à qui il entend confier l’exercice de ses droits.

À la mort de l’auteur, le droit d’exploiter l’œuvre est transmis aux héritiers. Ce droit exclusif est au bénéfice des héritiers durant l’année civile suivant la mort de l’auteur et pour les 70 ans à venir (CPI, art.L123-1). Ce régime des droits exclusifs d’exploiter est également applicable aux œuvres posthumes. Dans ce cas, si l’œuvre est divulguée après l’expiration du délai de 70 ans, la durée du droit exclusif est de 25 ans (CPI, art.L123-4). Les héritiers seront alors chargés d’administrer le sort des œuvres d’art et d’organiser leur publication.

Pour terminer, les héritiers peuvent récolter des indices pour déterminer la volonté de divulgation de l’auteur. La jurisprudence française considère que le désistement de l’œuvre (abandon de l’œuvre ou transmission à un tiers), l’état d’achèvement ou encore la signature de l’œuvre peuvent permettre de déterminer les intentions de l’auteur.