Héritiers, comment révoquer une donation issue d'abus de faiblesse ?

Héritiers, comment révoquer une donation issue d'abus de faiblesse ?
- avocats au Barreau de Paris | Publié le

Suite au décès d’un proche, vous, héritiers, vous vous apercevez que le patrimoine qui vous revient a été spolié. Ce détournement d’héritage provient d’un abus de faiblesse ayant permis l’établissement d’une donation au profit de l’auteur de cette infraction abominable. Sachez que l’action en révocation de cette donation vous est ouverte. Le délai pour agir dépend de la situation.

Délai de l’action en révocation

Il existe une exception à la règle de l’irrévocabilité des donations entre vifs. Celle-ci est prévue par l’article 953 du Code Civil qui dispose que : « La donation entre vifs ne pourra être révoquée que pour cause d'inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite, pour cause d'ingratitude, et pour cause de survenance d'enfants ».

La donation ainsi que sa révocation peuvent donner lieu à des conflits, a fortiori lorsque la donation a été effectuée en violation des droits des héritiers et constitue un abus de faiblesse à l’encontre du donateur. En outre il convient de rappeler que pour certaines actions, les héritiers peuvent agir après le décès du donateur. Ils peuvent donc demander la révocation d’une donation faite par le donateur de son vivant lorsqu’il s’agit d’un abus de faiblesse.

L’arrêt de la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation du 10 octobre 2010 vient apporter des précisions quant au délai et aux conditions de l’action en révocation.

La révocation pour ingratitude peut être demandée en parallèle d’une action au pénal. En effet, l’article 955 du Code Civil précise qu’elle peut être sollicitée si le donataire a attenté à la vie du donateur mais également s'il s'est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves. Ces causes constituent des infractions susceptibles de sanctions pénales.

Cette révocation ne se fait pas de plein droit, en effet une requête doit être effectuée. Le délai pour agir est d’un an à compter du jour du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour où le délit aura pu être connu par le donateur.

L’arrêt précité annonce que « l’article 957 du Code Civil qui fixe le point de départ du délai d’exercice de l’action en révocation pour cause d’ingratitude au jour du délit imputé au gratifié ou au jour où ce délit aura pu être connu du disposant, n’exclut pas que, lorsque le fait invoqué constitue une infraction pénale, ce point de départ soit retardé jusqu’au jour où la condamnation pénale aura établi la réalité des faits reprochés au gratifié ».

Ainsi, dès lors qu’une procédure pénale est en cours, le délai de l’action en révocation court à compter du jour où la condamnation pénale est prononcée. Néanmoins, il est nécéssaire que « le délai d’un an ne soit pas expiré au jour de la mise en mouvement de l’action publique par le demandeur à la révocation ».

Cette action permet de pallier une spoliation d’héritage avant décès et parvenir à un déblocage de la situation.

Condition de l’action en révocation pour cause d’ingratitude

L’abus de faiblesse constitue en droit civil une cause d’ingratitude. Ainsi toute libéralité issue d’une telle infraction peut être l’objet d’une action en révocation.

L’action révocatoire requiert plusieurs conditions énumérées par l’article 955 du Code Civil.

Cet article dispose que :

« La donation entre vifs ne pourra être révoquée pour cause d'ingratitude que dans les cas suivants :

1° Si le donataire a attenté à la vie du donateur ;

2° S'il s'est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves ;

3° S'il lui refuse des aliments. »

De plus en plus de séniors sont victimes d’abus. Il apparaît au travers de cette juridiction que l’abus de faiblesse sur personnes âgées constitue une violation des droits pouvant donner lieu, outre les sanctions pénales, à des sanctions civiles.

Pour information, la sanction d’abus de faiblesse en droit pénal est prévue par l’article 223-15-2 du Code Pénal. Selon cet article :

« Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375000 euros d'amende l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, soit d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables ».

Héritiers, si vos droits ont été bafoués par des donations résultant d’un abus de faiblesse, tout n’est pas perdu, agissez.


Source : www.lexisnexis.com, Cour de cassation Chambre civile 1 – 20 octobre 2010 N° 09-16.451, 906 -  Numéro JurisData : 2010-018905