Succession et donation : l'étape cruciale des droits d'enregistrement

Succession et donation : l'étape cruciale des droits d'enregistrement
- avocats au Barreau de Paris |
Mis à jour le 05/07/2016 Publié le

Les règles qui président à la détermination de l’assiette et au calcul des droits d'enregistrement ou de mutation à titre gratuit s’avèrent naturellement complexes. Elles résultent historiquement des méandres inhérents à une Législation dépendante à la fois des obligations imposées par le Code civil et des exigences incontournables d'une fiscalité soumise aux contraintes budgétaires.

Principe de base en matière de droits de mutation à titre gratuit

Si le défunt ou le donateur a son domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B du Code général des impôts (C.G.I.) au jour de la mutation, tous les biens transmis à titre gratuit sont imposables en France, quelles que soient leur nature et leur situation (en France et/ou à l’étranger) et quelle que soit la résidence de l’héritier, du légataire ou du donataire.

Si le défunt ou le donateur n’a pas son domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B du C.G.I. au jour de la mutation, il y a alors deux hypothèses :

  • 1ère hypothèse : L’héritier, le légataire ou le donataire a son domicile fiscal en France au jour de la mutation et y a été de plus domicilié six années au cours des dix années précédant l’année de la transmission. Dans ce cas, tous les biens meubles ou immeubles situés en France et/ou hors de France transmis à titre gratuit sont passibles des droits d’enregistrement en France.
  • 2ème hypothèse : L’héritier, le légataire ou le donataire n’a pas son domicile fiscal en France au jour de la mutation ou l’a eu, mais pas durant au moins six années au cours des dix années précédant l’année de la transmission. Dans ce cas, seuls les biens situés en France transmis à titre gratuit sont passibles des droits d’enregistrement en France.

Ces règles prévues à l’article 750 ter du C.G.I. s’appliquent sous réserve des dispositions des conventions fiscales internationales, signées entre la France et les autres Etats en matière de droits de succession et/ou de donation.

Dispositions propres aux successions

Sont totalement exonérés de droits de succession le conjoint survivant et le partenaire du défunt lié par un pacte civil de solidarité (PACS), ainsi que les frères et soeurs qui ont vécu sous le même toit que le défunt.

Un abattement de 20% est pratiqué sur la valeur vénale de la résidence principale du défunt, lorsqu’à la date du décès, cet immeuble est également occupé à titre de résidence principale par le conjoint survivant, par son partenaire de PACS ou par un ou plusieurs enfants mineurs ou majeurs protégés du défunt, du conjoint survivant ou de son partenaire de PACS.

Les règles de droit civil permettent également d’exclure de l’actif successoral, les biens détenus en usufruit par le défunt qui rejoignent ainsi sans taxation, la nue-propriété du bien détenu la plupart du temps par un successible.

Après le décès du testateur, les biens échus aux bénéficiaires d'un partage testamentaire sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit dans les conditions de droit commun et les règles applicables pour la liquidation de l'imposition sont celles prévues en matière de partage de succession. Ainsi, les biens doivent être évalués au jour du décès du testateur et lorsqu'un partage testamentaire n’a pas fait l'objet d'un dépôt au rang des minutes d'un notaire, rien ne s'oppose à ce que la déclaration estimative soit souscrite au pied de l'acte de dépôt, soit par les héritiers ou par l'un d'eux, soit par le notaire lui-même s'il se porte fort pour les héritiers. 

Par ailleurs, l’article 796-0 quater du C.G.I. étend à toutes les réversions d’usufruit le régime prévu en faveur de celles constituées au profit du conjoint survivant. Ainsi, l’ensemble des clauses de réversion d’usufruit relève du régime des droits de mutation par décès, quelle que soit la qualité de leur bénéficiaire. Il en résulte que les réversions d’usufruit au profit du partenaire lié par un PACS et des frères ou soeurs vivant ensemble sont exonérées de droits de mutation par décès. Pour les autres bénéficiaires, la réversion d’usufruit est taxée aux droits de succession lors du décès du stipulant, en fonction de son lien de parenté avec le bénéficiaire de la clause de réversion. S’agissant de l’évaluation des biens, de la détermination de l’âge de l’usufruitier et de l’application des tarifs, il convient de se placer à la date du décès pour le calcul des droits dus.

Dispositions propres aux donations

En application de l’article 790 G du C.G.I., les dons de sommes d'argent consentis en pleine propriété au profit d'un enfant, d'un petit-enfant, d'un arrière-petit-enfant (ou à défaut d'une telle descendance, d'un neveu ou d'une nièce hors liens de parenté par alliance) sont exonérés de droits de donation dans la limite de 31 865 €, à la double condition qu’au jour de la transmission, le donateur ait moins de 80 ans et que le bénéficiaire du don soit majeur ou mineur émancipé.

L'exonération qui est applicable tous les quinze ans entre un même donateur et un même donataire se cumule avec les abattements individuels dont bénéficient par ailleurs les intéressés pour les autres types de dons.

Cette exonération a été étendue aux petits-neveux ou petites-nièces venant en représentation de leur auteur. Les petits-neveux ou petites-nièces sont les enfants des neveux ou nièces du donateur, étant rappelé que par neveux ou nièces, il convient d’entendre les seuls enfants des frères et soeurs du donateur, à l’exclusion le cas échéant de ceux du conjoint de ces derniers. En cas de pluralité de petits-neveux ou de petites-nièces venant en représentation de leur auteur, le montant exonéré se divise entre eux. 

Par ailleurs, afin d’encourager la transmission du patrimoine aux jeunes générations, l’article 791 ter du C.G.I. prévoit qu’en cas de donation en ligne directe, de biens antérieurement transmis à un premier donataire en ligne directe et ayant fait retour au donateur, les droits acquittés lors de la première donation sont imputés sur ceux dus à l'occasion de la seconde donation. La nouvelle donation doit intervenir dans les cinq ans du retour des biens dans le patrimoine du donateur.

Conformément à ces dispositions, l’imputation des droits acquittés lors d’une donation antérieure est donc subordonnée notamment aux conditions suivantes : 

  • la première et la seconde donation doivent avoir été effectuées en ligne directe. 
  • les biens transmis lors de la première donation doivent réintégrer le patrimoine du donateur en vertu du droit de retour légal des père et mère ou du droit de retour conventionnel. 

Le bénéfice de ce dispositif n’exige pas que les droits aient été acquittés par le donateur à l'occasion de la première donation. Par ailleurs, il est admis que l’intégralité des droits acquittés lors de la première donation soit imputée à l’occasion de la seconde donation, même si celle-ci ne porte que sur une partie seulement des biens ayant fait retour dans le patrimoine du donateur.

Dispositions communes aux successions et donations

Font notamment l’objet d’une exonération partielle de 75 % la transmission des entreprises ou des titres de société et des bois et forêts, parts de groupements forestiers y compris agricoles et fonciers, biens agricoles donnés à bail. L’exonération totale ne s’applique qu’aux immeubles classés ou inscrits sur l’inventaire supplémentaire des monuments historiques.

Sont également susceptibles d’être exonérées de droits de succession ou de droits de donation à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou actions de sociétés ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs, si elles ont fait l’objet, d’abord, d’un engagement de conservation collectif d’une durée minimale de 2 ans, pris par le défunt ou le donateur (pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d’autres associés, en cours au jour de la transmission), puis d’un engagement de conservation individuel d’une durée minimale de 4 ans, pris par chacun des héritiers, légataires ou donataires (dans la déclaration de succession ou de donation, pour lui et ses ayants-cause à titre gratuit, à compter de la fin de l’engagement collectif de conservation).

Par ailleurs, les biens meubles et immeubles, corporels ou incorporels affectés à l'exploitation d'une entreprise individuelle ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, transmis par décès ou entre vifs, peuvent être exonérés de droits de mutation à titre gratuit à concurrence de 75% de leur valeur, dans les conditions fixées à l’article 787 C du C.G.I.

Comment s’y retrouver dans toutes ces subtilités législatives ?

Les tentatives effectuées depuis des lustres pour clarifier, simplifier et rendre plus équitables certaines dispositions fiscales en matière de droits d'enregistrement au regard notamment des successions et donations ont bien du mal à aboutir à des résultats tangibles. Le vocabulaire "notarial" tributaire en grande partie du Code civil n’a quasiment pas évolué depuis la création de celui-ci en 1804. Et comme dans ce domaine particulièrement rébarbatif, le Code général des impôts s’aligne en majeure partie sur le Code « napoléonien », tout demeure encore abscons pour les contribuables qui se trouvent confrontés parfois à des situations particulièrement délicates, en qualité d’héritiers, de donateurs ou de donataires.

Votre Notaire est bien entendu l’interlocuteur privilégié pour vous assister au plus près de vos préoccupations et sauvegarder vos intérêts. Et il n’est pas question de minimiser le rôle capital de cet officier ministériel qui a la double responsabilité de protéger son client, tout en étant collecteur de droits d’enregistrement pour le compte du Trésor public. Cependant, même si le filtre du Notaire fonctionne généralement très bien, vous n’êtes pas à l’abri d’un contrôle fiscal au motif que votre dossier laisse subsister à tort ou à raison, des interrogations par rapport à la succession ou la donation dans laquelle vous êtes partie prenante. Vous risquez alors de devoir répondre à une demande de justifications, plus grave encore, à une proposition de rectification adressée par un inspecteur des Finances publiques.