Déclaration tardive de succession
- avocats au Barreau de Paris |
Mis à jour le 25/05/2018 Publié le

Un notaire a été condamné au paiement des majorations de retard pour avoir trop tardé à procéder à une déclaration de succession. Dans quel cas, le notaire engage-t-il sa responsabilité envers les héritiers ?

Définition de la déclaration de succession et responsabilité des héritiers devant l’administration fiscale

Les bénéficiaires d'une succession ont l’obligation, dans la grande majorité des cas, de souscrire une déclaration de succession.

Ils sont exemptés seulement si le montant de l’actif brut de la succession est inférieur à :

  • 50 000 €, lorsque la transmission est en faveur des héritiers en ligne directe, du conjoint survivant ou du partenaire de Pacs. Toutefois, ils ne doivent pas avoir bénéficié antérieurement d’une donation ou d’un don manuel non enregistré ou non déclaré de la part du défunt ;
  • 3 000 € pour les autres bénéficiaires de la succession.

Cette déclaration doit être déposée, en principe, dans les 6 mois à compter de la date du décès s’il intervient en France ou dans les 12 mois pour les décès intervenus hors de France.

Selon le Code général des impôts et le BOFIP, cette déclaration doit contenir un ensemble d’éléments : les "énonciations préliminaires" (nom, prénoms, date et lieu de naissance, qualité, nationalité et domicile du défunt et du déclarant, les dispositions testamentaires du défunt, les informations relatives aux donations antérieures, dans certains cas aux dispositions du contrat de mariage), l’énumération et estimation des biens successoraux, l’énumération et la justification du passif, une affirmation de sincérité.

Cette déclaration étant complexe, elle est en pratique souvent prise en charge par le notaire, le contribuable reste toutefois responsable devant l’administration fiscale.

Principe du devoir de conseil du notaire

Le notaire exerce une profession libérale et l’une de ses prérogatives consiste à établir des actes et de répondre à des questions juridiques dans le respect de la déontologie des notaires. Celui-ci a notamment un devoir de conseil envers ses clients.

Lorsque les héritiers s’adressent à un notaire pour régler une succession, le notaire devra en principe conseiller les parties de manière à préserver au mieux leurs intérêts.

Le domaine de la responsabilité professionnelle des notaires est entendu largement par la jurisprudence, notamment concernant l’étendue du devoir de conseil de ces officiers ministériels.

Illustrations jurisprudentielles sur le devoir de conseil d’information du notaire

Différents arrêts sont intervenus en la matière pour préciser, notamment concernant le devoir de conseil et d’information des notaires et de son étendue.

Ainsi, la 1re chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 juin 2007 a estimé que manquait à son devoir d’information et de conseil, le notaire qui avait omis d’informer les héritiers de leurs obligations vis-à-vis de l’administration fiscale. À ce titre, elle casse la décision de la Cour d’appel de Paris.

De la même façon, dans un arrêt du 23 mai 2007, la Cour retient que le notaire est tenu à une obligation d’information et de conseil. Elle casse l’arrêt sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (nouvellement article 1240 du Code civil). En effet, dans l’affaire, « un permis de construire à l'obtention duquel les parties avaient subordonné la vente d'un terrain avait été retiré par le maire après la signature de l'acte authentique en raison de la survenance d'une crue du cours d'eau en bordure duquel ce terrain était situé ». La Cour d’appel avait écarté la responsabilité des notaires aux motifs que ces derniers « avaient pris la précaution de faire signer aux acquéreurs une note d'urbanisme précisant que le terrain était situé en zone inondable » et que les acquéreurs ne contestaient pas qu'ils devaient signer l'acte de vente avant une date limite pour réaliser une opération intéressante sur le plan fiscal. La Cour casse en considérant qu’il n’était pas établi que « les notaires n'avaient pas manqué à leur devoir de conseil en omettant d'éclairer leurs clients sur les risques qu'ils encouraient en s'engageant avant que le permis de construire n'ait acquis un caractère définitif ». Le notaire a la charge de rapporter la preuve de l’exécution de son obligation.

Dans un arrêt rendu le 18 janvier 2007, manquait à son obligation de conseil, le notaire qui s’était contenté de se référer à la mesure d’une surface privative d’un bien vendu déclarée par le vendeur, alors qu’il lui incombe de s’assurer que « la mesure a effectivement été réalisée par un homme de l’art compétent ». Ayant rédigé deux actes sur le même bien à deux dates différentes, « il devait s'étonner que nonobstant la loi nouvelle de la loi CARREZ, et la particularité architecturale de l'appartement, la surface déclarée soit demeurée identique ». Le devoir de conseil lui imposait d'attirer l'attention de ses clients sur la loi nouvelle, preuve qu’il n’a pas apportée.

Le notaire avait donc été condamné à garantir ses clients de la réduction du prix de vente proportionnel au déficit de superficie, prévue à l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Cette décision a toutefois été cassée sur ce point, le 5 février 2009, car cette « réduction n'ayant pour conséquence que de ramener le prix de la vente au montant que les vendeurs auraient dû normalement percevoir », elle ne constituait pas un préjudice indemnisable.

Enfin, la responsabilité professionnelle des notaires est fréquemment recherchée dans le domaine de la déclaration tardive de succession sur le fondement du manquement à une obligation de conseil et d’information. C’est ainsi que la Cour de cassation, a dans un premier arrêt du 6 mars 1984 considéré qu’avait « légalement justifié sa décision la Cour d'appel » qui avait retenu la responsabilité du notaire qui « n'ayant pu déterminer avec précision dans le délai de six mois à compter du décès la consistance du patrimoine du défunt, n'avait pas effectué dans le délai le dépôt de la déclaration de succession à l'administration fiscale — ce qui avait entraîné le prononcé de pénalités de retard à l'encontre de sa cliente ».

 La faute commise par le notaire ne consistait pas de ne pas avoir établi une déclaration de succession, car il ne possédait pas les éléments pour le faire. En effet, en l’espèce, il était assez difficile d’évaluer le montant de l’actif et surtout du passif du patrimoine. Toutefois, le notaire a, selon la Cour, commis une faute en n’informant pas sa cliente :

  • « de la nécessité de souscrire une déclaration, fût-elle provisoire, et de verser un acompte sur les droits, sans que cela implique une acceptation de la succession »
  •  « des risques de pénalités fiscales résultant de l'inexécution de cette obligation. »

Dans le même sens, un arrêt de la Cour d’appel de Limoges du 18 novembre 2004 a condamné un notaire au paiement de la majoration de retard des droits de succession. En effet, si la déclaration de succession n’a pas été déposée dans les délais, des pénalités de retard sont dues par les bénéficiaires de la succession en raison de l’inexécution de leur devoir de conseil. Par ailleurs, la compétence du client d’un notaire ne devrait pas constituer une cause exonératoire de sa responsabilité.

Il est vrai que les héritiers transmettent parfois tardivement les pièces nécessaires aux notaires pour établir la déclaration. La Cour, dans ce contexte, ne condamne le notaire que si celui-ci a manqué à son devoir d’information et de conseil. Il doit faire preuve de soins et diligences, notamment en ne rappelant pas à ses clients leurs options, les risques qu’ils encourent, les pièces dont il a besoin, nécessaires aux formalités de déclaration de succession.

Sources :  www.legifrance.gouv.fr, Bofip-impôts n°BOI-ENR-DMTG-10-60 relatif aux obligations déclaratives des bénéficiaires d'une succession, articles 800 à 802 du Code général des impôts, Cour de cassation, 1e chambre civile, 14 juin 2007, n° 06-16.379 ; Cour de cassation, 3e Chambre civile, 23 mai 2007, n° 06-11.889 ; Cour de cassation, 1 chambre civile, 5 février 2009,  n° de pourvoi: 07-18057 ; Cour de cassation  1re chambre civile, 6 mars 1984, n° 83-11.445 ; Cour d'appel de Limoges, chambre civile section 1, 18 novembre 2004 ; Cour de cassation, 1ère chambre civile, 5 février 2009, n° 07-18.057

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